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Critique de CDemassieux


À l'attention de ceux qui n'auraient pas lu l'oeuvre de J. K. Rowling, il y aura ici des révélations sur l'intrigue des sept romans !

Harry Potter est un récit comme il s'en trouve rarement dans la littérature, où se mêlent à peu près tous les ingrédients qui, précisément, constituent la littérature au moins occidentale, laquelle trouve son origine dans un autre récit épique : L'Iliade et L'Odyssée, d'Homère. Et Harry Potter est indiscutablement épique, au sens moderne, selon la définition du dictionnaire : « Qui est mémorable par ses nombreuses aventures, par son caractère grandiose, extraordinaire » (Antidote).

Mais il n'est pas question ici de relater le caractère extraordinaire – et évident – de Harry Potter mais plutôt de comprendre pourquoi il a à ce point touché des millions de lecteurs. D'emblée, il est entendu que le nombre de lecteurs n'est pas la condition sine qua non pour juger de la qualité d'une oeuvre, car à ce compte-là Gérard de Villiers serait considéré comme un génie littéraire et Marcel Proust, un vulgaire crétin !

Cependant, les lecteurs de Harry Potter rencontrés – qui m'ont si bien harcelé que j'ai fini par lire les livres après avoir vu les adaptations cinématographiques, et je les en remercie chaleureusement ! –, étaient déjà, ou le sont devenus, d'authentiques lecteurs. Pourquoi ? La première réponse qui me vient à l'esprit après ma lecture de l'oeuvre c'est que Harry Potter a été écrit par une femme qui lisait beaucoup, avait même étudié la littérature française, et, au lieu de proposer une histoire prémâchée et simpliste, nous a offert une aventure complexe qui, coup de génie, grandissait en même temps que les plus jeunes lecteurs. En effet, on peut voir cette évolution, à la fois dans le fond et la forme, entre L'École des Sorciers et ne serait-ce que le troisième tome nettement plus sombre : le Prisonnier d'Azkaban.

D'ailleurs, il suffit de se pencher sur la littérature anglaise – J.K. Rowling est anglaise, rappelons-le – pour comprendre qu'il y a par exemple du Oliver Twist dans le personnage de Harry. Plus loin encore dans le temps, souvenons-nous des légendes médiévales arthuriennes, dont il y a pas mal de traces ici. Ce n'est pas un hasard si la plus haute distinction du monde des sorciers s'appelle « le Grand-Ordre de Merlin ». Et Dumbledore, tout comme Gandalf, fait furieusement penser à Merlin ! Quant au lien entre Tolkien et J. K. Rowling, on peut le retrouver jusque dans les études de philologie poursuivies par cette dernière, Tolkien étant lui-même philologue. Et tous deux sont parvenus à cette exceptionnelle prouesse : créer un autre monde cohérent, même si celui de J. K. Rowling communique avec le nôtre. Et peut-être qu'Aragog, dont la famille turbulente ira servir le Seigneur des Ténèbres, est un lointain cousin d'Arachne – dernière descendante d'Ungoliant – et qui faillit bien avoir raison de la quête de l'Anneau.

Donc, nous voilà confrontés à une oeuvre de jeunesse qui, par sa qualité exceptionnelle, prend une tout autre dimension. Ainsi, nous n'assistons pas une suite effrénée d'événements destinés à provoquer la seule excitation du mouvement, comme certains mauvais films bourrés d'effets spéciaux. Au contraire, l'auteure creuse dans les tréfonds de tous ses personnages, sachant à la fois traduire les émois et troubles de l'adolescence et ceux des adultes qui n'ont pas digéré leur jeunesse, Rogue en étant l'exemple le plus accompli et Voldemort, le plus abominable.


La question sociale est même abordée lorsque Harry montre sa gêne vis-à-vis de meilleur ami Ron Weasley, lequel est modestes lorsque lui a hérité d'une petite fortune de ses parents. Il y a même le mépris de classe : famille Weasley versus famille Malefoy. Et que dit Ron à Harry lorsqu'il se demande qui peut bien être ce Prince de Sang-Mêlé ? Qu'il n'y a pas de prince chez les sorciers, qui est une société égalitaire que, justement, le descendant de Serpentard, Tom Jedusor, voudrait briser, lui qui est assoiffé de pouvoir et de grandeur, comme beaucoup d'individus qui ont été privés d'amour et ont décidé non seulement de n'aimer qu'eux-mêmes mais encore d'être adulés comme des êtres supérieurs.

Et c'est d'ailleurs le principal écueil des films que d'avoir édulcoré cette dimension intérieure des personnages quand ils ne l'éludaient pas tout simplement. Car dans les romans nous comprenons par exemple mieux la nature profonde de Voldemort qui, tout comme Harry, n'a pas reçu l'amour d'une famille. Ce qui fait que, comme l'explique Dumbledore, « Jedusor était obsédé par ses origines », lui qui venait d'un orphelinat obscur. Il en a conçu une rage revancharde quand Harry a fait preuve d'une remarquable résilience. Mais tout n'est pas blanc ou noir, et même une figure exemplaire comme Dumbledore peut se révéler faillible.

Parlons enfin de la dimension mystique de Harry Potter car il y en a une. Celle-ci, loin d'être lourde, est savamment distillé tout au long des sept volumes pour s'exprimer dans l'affrontement final entre Harry et Voldemort, opposant l'amour que j'oserai qualifier de christique – étant donné le don de soi inconditionnel aux autres de la part de Harry – à la haine diabolique. À tel point que Harry tente de racheter l'âme décomposée de Voldemort : « Mais avant que vous ne tentiez de me tuer, je vous conseillerais de réfléchir à ce que vous avez fait… Réfléchissez et essayez d'éprouver un peu de remords, Jedusor… », ajoutant : « J'ai vu ce que vous deviendrez. » le refus de ce dernier lui ouvrira, n'en doutons pas, toutes grandes les portes de l'enfer, qui ne peuvent prévaloir contre Harry, lui qui a résisté à toutes les tentations mauvaises.

Pour conclure, grâce à Harry Potter j'ai voyagé dans l'imaginaire, et l'imaginaire est le plus beau pays du monde…
(PS : à ceux qui n'ont vu que les films, ne passez pas à côté des livres, avec une mention spéciale pour la parfaite traduction.)





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