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Critique de Medieviste


Une lecture que j'ai engagée contrainte et forcée (par les lois de la camaraderie), à cause du désagrément très prononcé que j'avais eu à regarder le film avec Claude Rich, Noiret et consorts. Film ouvertement franc-maçon (pour ceux qui l'ont vu: "Vous êtes maçon, Monsieur? - Moi aussi, je suis maçon!" etc.) qui évoque une volonté morbide de subversion destructrice par haine de la société française, et nous rappelle les dignes origines de mai 68 et du Syndicat de la Magistrature.

Eh bien, rassurez-vous: c'est une récupération et un détournement. Chez Jules Romains, rien de tel. L'esprit, tout différent, est celui d'une bande d'amis qu'emmerdent les conventions, les idées reçues, les allocutions officielles, lesquelles sans doute - à la différence du "politiquement correct" - n'étaient pas intrinsèquement toxiques, venimeuses et suicidaires, mais dont la médiocrité et "l'esprit de sérieux" n'en étaient - évidemment - pas moins ressentis comme épisodiquement asphyxiants par les jeunes gens intelligents, surtout s'ils aimaient la fantaisie.

Alors, tout y passe: les politiciens de province, l'Armée, les curés, mais il n'y a aucune haine, c'est drôle comme un monôme de potaches qui s'amuse sans intention de faire mal ou de mal faire. Le sermon du curé était ce que je redoutais le plus parce que je l'avais trouvé écoeurant dans le film. Or il est ici à se rouler par terre. C'est de la farce, et le cataclysme orgiaque en guise d'ite missa est relève de Rabelais ou Brassens (*). Un grand moment d'anthologie.

Cette lecture m'a poussée à une réflexion un peu plus profonde à partir du contraste entre le film et le roman. En effet, les dialogues, les scènes, et même le sermon du film sont étrangement fidèles à ceux de Jules Romains. Et cependant le film est répugnant et sinistre tandis que le livre est joyeux et optimiste. le tout, une fois de plus, n'est pas la somme des parties. C'est l'esprit qui fait l'oeuvre. L'âme au sens d'Aristote, le principe de mouvement qui la transcende et la fait vivre.

Je terminerai en ajoutant cette autre réflexion personnelle, qui, oh! sans doute ne casse pas non plus trois pattes à un canard (mais bon je n'ai jamais prétendu au génie): impossible de "citer des extraits"! Par définition, dans un grand roman, qu'il soit tragique, comique, les deux ou ni l'un ni l'autre, il n'y a rien à jeter, et toute citation paraît dérisoire au regard de l'ensemble. Il faudrait pouvoir tout citer, et comme dans une nouvelle de Borges, on se retrouverait à réécrire tout le bouquin!

Ah, si peut-être, l'appel à l'autorité de saint Pie X pour justifier le sermon... Mais non, lisez tout.^^

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(*) On apprend par René Fallet que Brassens avait détesté le film. Pour quelle raison? C'est ce que Fallet ne dit pas. Mais je me plais à imaginer que Brassens était trop "sain" pour apprécier la subversion vicieuse; sa "subversion" à lui étant d'une toute autre nature, et certainement incompatible avec la haine sordide du film.
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