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Critique de Joad


Le livre de Jean Rolin sorti en 2013, Ormuz, fait parler de lui. Non qu'il soit réédité ou prolongé par un autre livre sur l'énigmatique Wax, mais plus simplement à cause des tensions géopolitiques entre l'Iran et quelques puissances occidentales. L'épisode le plus récent étant la décision d'une sécurisation des navires, notamment britannique, annoncée par Jeremy Hunt, ministre des Affaires étrangères, suite à l'arraisonnement d'un tanker. de son côté, le Pat Hibulaire Mike Pompeo, secrétaire d'Etat américain semble souhaiter la guerre avec l'Iran, en imputant tous les maux du moment à ce pays magnifique. Dans ce contexte, le roman permet ce que l'actualité refuse: une réelle prise de recul, permise par les informations glanées au fil des pages ainsi qu'au talent de Jean Rolin dans ses entrevues avec Wax, véritable héros mystérieux de l'histoire.

Un roman portuaire

Le roman est portuaire en cela qu'il sent l'iode, s'égare à quai et se confond parfois avec les navires toujours plus gros qui passent à Ormuz. Wax veut traverser à la nage le détroit d'Ormuz, mais évidemment il a toutes les chances de mourir vu l'activité et les tensions à cet endroit. On perd parfois de vue cet objectif, à tel point que l'idée d'un MacGuffin (utilisée abondamment dans le cinéma, par exemple dans Frantic de Polanski) ne semble pas si farfelue, c'est-à-dire d'une carotte tendue, rappelée en fil rouge mais en réalité prétexte à tout le reste, si ce n'est qu'il ne s'agit pas d'un objet matériel mais d'un humain: la nage de Wax est un prétexte au développement portuaire. Elle est motivée par si peu d'éléments rationnels qu'elle se perd et ne semble plus avoir d'importance à la fin.

Ainsi, le brouillard maritime rappelle bien dans quel brouillard narratif nous nous trouvons. Au mieux, Wax est le Rick Blaine du film Casablanca et l'histoire ne se déroule pas sur fond de Seconde Guerre mondiale, mais sur ses tensions politiques indépassables entre gens de mer.

Jean Rolin, naufrage avec spectateur?

D'ailleurs l'auteur ici ne fait pas romancier mais bien plus journaliste, et même journaliste ayant la climatisation et ses préjugés dans son altérité différenciée. Jean Rolin est loin d'être le shâhbandar, maître du port. Il semble impuissant, qu'il soit en train de discuter avec les locaux ou en faisant ses longueurs dans la piscine de l'hôtel. C'est le spectateur et le commentateur tout au long du roman. Toujours à quai, il n'embarque jamais avec, contrairement à l'aventurier Thesigner, cité à plusieurs reprises et connu pour ses périples en Asie et en Afrique. Bien plus étonnante est son rapport aux femmes, assez primaire et souvent inutile. le coup de foudre pour la militaire en début de roman passe encore, mais cette constante évocation racoleuse des femmes laisse songeur. Par exemple, à la page 121, il dit ceci:

Enfin, le jour même où je quittai l'hôtel Ras al-Khaimah - avec d'autant plus de regrets que venaient de s'y établir deux jeunes Chinoises, vêtues de t-shirts et de shorts fluo très sexy, et telles qu'elles auraient vraisemblablement tenu les trois barbus éloignés de la piscine [...]

Outre l'inutilité de la remarque concernant ces deux Chinoises, on aperçoit également le commentaire sur les personnes portant une barbe. Juste avant dans le récit, il était en effet importuné car ces trois personnes, qui ressemblaient à des salafistes selon lui, faisaient du bruit et faisaient tomber des poils dans la piscine. Quelle terrible spectacle pour ce journaliste en voyage adepte du confort. Une honte. Enfin, la citation montre également la capacité de l'auteur à rallonger ses phrases pour ne rien dire ni n'apporter aucun effet. Ces phrases se multiplient.

Sur le radeau?

Ce n'est donc ni pour le style ni pour la posture de l'auteur dans ce roman qu'il faut retenir Ormuz. Alors, pourquoi le retenir? Sans aucun doute pour les quelques informations glanées (guerre des Malouines, l'HMS Sheffield coulé en 1982 par un missile Exocet, l'USS Vincennes qui a abattu le 3 juillet 1988 un appareil d'Iran Air, tuant 274 passagers et 16 membres d'équipages) et Wax, nous mettant dans le brouillard et nous faisant reculer avec cette question: qui est l'ennemi?
Lien : https://les-sirenes-de-jugur..
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