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Critique de ValentinMo


Paris en état de siège, des routes jonchées de cadavres, des milices combattant pour des territoires, Marseille à feu et à sang : voici le décor apocalyptique de ce road-trip imaginé par Jean Rolin - ex-reporter ayant couvert de nombreux conflits (prix Albert Londres 1988) - qui s'est inspiré de la guerre en ex-Yougoslavie et de ses séjours là-bas pour décrire les scènes de désolation qu'il transpose ici en France.

Dans un paysage de guerre civile en France, un narrateur non identifié (sur qui un autre narrateur prend la main de temps en temps) entreprend de quitter Paris pour aller vers le Sud.

Le pays, qui a perdu son pouvoir central, traverse une période de chaos, divisé entres les forces des Nations unies et plusieurs milices, qui défendent leurs intérêts. C'est dans cet univers violent et immoral où les armes font loi que le narrateur évolue. En quête de sa propre survie, il partira à la recherche d'un fils, dont il apprend l'existence sur le tard.

Un gouvernement réfugié à l'extrême ouest du pays dans la petite île de Noirmoutier, des communes entièrement détruites et désertées par les habitants, des camps de réfugiés... le pays des droits de l'homme est livré à différentes factions qui se battent entre elles.

Mais s'arrête ici le récit de guerre. Certes, Jean Rolin raconte quelques combats et certaines scènes de désolation post-apocalypse mais les origines de cette guerre civile ne seront jamais dévoilées : nul recours donc, comme d'autres romanciers contemporains, à un péril islamiste en tant que tel (Michel Houellebecq ou Boualem Sansal pour ne citer qu'eux) pour expliquer l'effondrement d'un pays. Au milieu des zones « tenues » par telle ou telle milice/politique/religieuse ou plus proche du simple banditisme, des restes pathétiques d'une armée régulière disjointe et épuisée, des déploiements de forces de l'ONU et des efforts humanitaires des ONG, Jean Rolin s'attache à nous décrire une France ayant revêtu tous les symptômes réservés normalement, dans notre imaginaire, au Liban, à la Syrie, à la Bosnie ou même aux pays africains comme le Rwanda d'avant le génocide.

La seule esquisse d'une analyse géopolitique que le lecteur trouve dans ce livre se résume aux affrontements entre groupes gauchistes et islamistes dans l'étang de Berre, une région ouvrière près de Marseille. Ce qui intéresse Jean Rolin, ce sont les à‑côtés de la guerre. Les marques qu'elle imprime sur le territoire que traverse un narrateur absolument indifférent aux troubles de son pays.

« Les Événements », c'est surtout un récit de voyage, de Paris à Port-de-Bouc (tout au sud), en passant par la Sologne et l'Auvergne, à travers une France déchue, désertée ou chaotique, dans lequel l'auteur détaille, avec une minutie presque maladive, chaque cours d'eau, arbre, fleur, route départementale ou nationale.

L'auteur s'attache avant tout à décrire ladite pérégrination avec une overdose de détails urbains, géographiques ou routiers, comme une sorte de cartographie démente d'un pays dévasté. Jean Rolin écrit avec les cartes routières sous les yeux, s'attachant à tel carrefour, à un embranchement entre deux nationales, à un bâtiment particulièrement laid, à une salle de réception dans un hôtel de province.

Le souci du détail de Jean Rolin ne s'arrête pas non plus aux paysages : on retrouve quelques clins d'oeil à des événements d'actualité de l'époque - comme l'évasion en 2013 du militant islamiste Saïd Arif, disparu d'un hôtel de Brioude où il était en résidence surveillée - mais aussi des rappels historiques, comme la visite du cosmonaute et héros soviétique Youri Gagarine à Port-de-Bouc, un minuscule village du sud de la France, en 1961, où il planta un arbre.

Malgré quelques procédés littéraires intéressants avec lesquels Jean Rolin s'amuse (comme par exemple une alternance de narration entre la première personne et la troisième personne du singulier ou encore une absence totale de dialogue), l'exercice littéraire peine à convaincre.

En somme, il s'agit d'une excellente idée mal exécutée. Cet excès de détails noie le propos ou – au choix – peine à masquer le manque d'une intrigue prenante.
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