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Critique de Plumefil


Ce livre, pris sur les conseils d'une amie et l'appréciation très positive d'un libraire, m'a apporté plus qu'une grande satisfaction. Il m'a distillé la bienveillance dont il est pétri, avec énormément d'humour. M'isoler, afin que mon fou-rire ne dérange personne, ne m'était encore jamais arrivé.

"Les Bracassées" est la rencontre improbable de deux femmes inadaptées à la vie quotidienne, ce qui donne lieu à des scènes des plus cocasses. Il n'est pas simple de vivre avec le syndrome de Gilles de la Tourette, qui prend possession du corps et des paroles, transformant le sujet atteint en marionnette désarticulée, ni de côtoyer des inconnus quand on se méfie de tout le monde et que seul, l'environnement proche est sécurisant.

Entre les pages de son roman, Marie-Sabine Roger livre les difficultés de Fleur et d'Harmonie avec une verve débridée, au travers du journal intime de l'une et des confidences de l'autre. Si le récit est porté par la malice de ces deux femmes, jamais une once de moquerie ni d'humiliation ne s'insinue entre les lignes. Traiter le handicap avec légèreté, sans aucun mépris est suffisamment rare pour être signalé et apprécié.

La forme narrative peut heurter certains puristes. Pourtant, elle est choisie avec soin et d'une importance capitale. Les insultes émises par Harmonie ne sont pas gratuites, elles font partie intégrante de son syndrome et traduisent son état de fébrilité, échappant à son contrôle. Les paragraphes la concernant ne possèdent aucune ponctuation, à l'image de ses gestes désordonnés. Seules les majuscules marquent les débuts de phrases. Pour Fleur, c'est une autre histoire. Étant certaine de détenir la vérité sur tous les événements qui façonnent sa vie de recluse, elle ne se remet jamais en question. Seul son cher docteur Borodine a grâce à ses yeux, ainsi que son confident intime, son obèse chien Mylord, et son amie lointaine, Josiane. Ces deux handicapées de la vie vont former un socle solide où s'arrimeront toute une galerie de personnages savoureux, d'où le titre du livre.

Cet ouvrage, classé dans la catégorie feel-good très en vogue en ce moment, est particulièrement intéressant. Ce nouveau style de littérature m'agace prodigieusement, devenant le ramassis de ce que l'on ne sait pas où classer, servie le plus souvent par des poncifs usés jusqu'à la trame, dans un vocabulaire simpliste orné de mièvreries à la pelle. Or, ce terme anglo-saxon veut dire "faire du bien". C'est le cas de ce roman. On ne peut rester insensible à l'altruisme ambiant, cachée sous la forme loufoque des scènes qui s'enchaînent avec bonheur. de plus, Marie-Sabine Roger aborde toutes sortes de handicaps en provoquant une kyrielle de réflexions sur la vie, sur le regard que l'on porte sur les autres, sur la différence et sur soi-même, avec beaucoup de tendresse.

La lecture est capable d'induire des émotions inattendues, et quelques fois, contradictoires. C'est le cas de ce roman pour moi. Sans m'y attendre, je me suis laissé emporter dans un univers loufoque où le "lourd" se transforme en "léger", sans occulter, ni déformer son message généreux. Je referme cette histoire avec un plaisir accumulé, semblable à un coup de coeur auquel je ne m'attendais pas. Une très belle surprise !
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