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Critique de Renod


Renod
02 septembre 2015
Le titre de ce roman peut se comprendre de deux manières. L’autre Simenon, c’est Christian le frère, le préféré de leur mère, Henriette. Un homme sans qualité qui va vivre dans l’ombre de son aîné. Son caractère est l’opposé de celui de Georges : effacé, passif, dénué d’ambition. De retour en Belgique à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale, après avoir occupé un poste dans les colonies, il va être aspiré par la folie haineuse du rexisme. Ce mouvement, fascisant à ses débuts, va se rapprocher du nazisme jusqu’à mener une collaboration totale pendant la guerre. Christian occupe un poste administratif au sein du mouvement puis il va progressivement se transformer en assassin.

L’autre Simenon, c’est aussi le côté obscur de l’auteur. Simenon n’évoque pas l’existence de son frère dans son récit autobiographique, « Pedigree ». La correspondance des deux frères n’a pas été rendue publique à ce jour. Rogiers est convaincu que pour découvrir le vrai visage de cet écrivain qui s’est beaucoup livré, il faut s’attarder sur ce qu’il a rayé de sa biographie. Certes, Christian représente tout ce qu’il abhorre ; c’est un être à la vie médiocre qui se plaît dans une ville grise qu’il a lui-même fui très jeune. De plus, Georges a été privé de l’amour de sa mère qui a toujours privilégier son cadet. Mais il existe des analogies entre les deux frères, notamment certaines convergences d’opinions. Il y a aussi le comportement de Simenon pendant l’Occupation. Un contrat avec des producteurs de cinéma allemands lui permet de mener un train de vie de parvenu au milieu d’une population vendéenne minée par les pénuries. Quand il séjourne à Paris, il se rend dans un bordel luxueux fréquenté par des officiers allemands, à deux pas des locaux de la Gestapo. Est-ce de la légèreté, de l’imprudence ? En fait, Simenon n’est préoccupé que par un seul sujet : son enrichissement ; il n’a pas d’autre religion ou politique que son individualisme. Il ne collabore pas franchement, il et ne tente aucune approche des mouvements de la Résistance. Et surtout, il a de nombreux échanges avec son frère rexiste.

Patrick Rogiers met en lumière le frère maudit et la vie de l’écrivain pendant la guerre. Si ces informations sont connues, elles ont parfois été éludées par ses biographes. On offre plus facilement des circonstances atténuantes au génie littéraire. Le romancier rend parfaitement les affres de cette sombre période : l'atmosphère troublée de la Belgique des années 1930, la terreur et les privations de la guerre.

Deux choses m’ont gêné dans ce livre. Premièrement, Rogiers a choisi d’écrire un roman pour avoir la liberté de modifier l’histoire de Christian. Pourquoi ces changements quand les faits offrent déjà tant de matière ? Ensuite, si je reconnais que l’écriture de Rogiers est riche et travaillée, si son style recrée parfaitement l'effervescence des meetings de Degrelle, son lyrisme ne s’essouffle jamais et pèse parfois sur le récit. Néanmoins, « l’Autre roman » est un travail de qualité que tout amateur de Simenon se doit de lire. Contrairement à Henriette ou à Désiré, Christian n’a pas eu sa place dans la fiction de son frère alorsqu'il a un rôle important dans sa vie et son œuvre. Il est important mettre un peu plus de lumière sur cet homme et cette période troubles pour mieux comprendre le monde de Simenon.
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