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Critique de Lildrille


De fausses promesses
Le destin d'une fille violée nous promet un beau récit empli d'émotions, notamment à cause de la préface écrite par Patrice Leconte, un réalisateur, scénariste et metteur en scène, mais aussi par les quelques mots de la quatrième de couverture qui jouxtent la photographie de l'auteur, ou un résumé qui exprime le fait que le roman est adapté à la gent féminine grâce à son histoire d'amour émouvante.
Pourtant, une fois la lecture terminée, on ne retient rien de positif : il ne reste que le malheur et les traumatismes. L'amour a disparu depuis longtemps et l'héroïne semble toujours en proie à ses démons intérieurs, ceux qui sont apparus très tôt dans sa vie lorsque son père l'a violée, et ceux-là même que l'intrigue essaie d'annihiler pour lui offrir un avenir florissant. le roman détruit chacune des promesses établies et c'est bien dommage. Tout se finit mal, si mal. Et tout commence aussi mal. Enfance tragique et fin de vie tout aussi tragique.
Une histoire qui va trop vite, des émotions qui s'enlisent
L'écriture manque cruellement d'émotions, de sensations fortes et de scènes qui nous transportent. le récit avance trop vite et ne s'attarde pas assez sur ce qui s'avère le plus intéressant : la reconstruction.
On assiste aux séances de Louise chez ses médecins mais on ne ressent pas vraiment ce qu'elle pense. Les rares descriptions apparaissent comme trop superficielles ; la narration n'incarne pas les personnages en leur fond intérieur, elle ne fait que les observer de l'extérieur. de fait, le lecteur reste ainsi détaché – un observateur parmi d'autres.
Qu'est-ce que cela fait à Louise quand Paul, son nouveau conjoint, essaie de la toucher ? Quelles sensations ou images la traversent étape après étape ? Qu'est-ce qui l'a fait changer d'avis ? Quelles douleurs la prennent lors de ces instants intimes où il tente un rapprochement ? le cerveau de Louise apparait comme impénétrable. Pourtant, le lecteur attendait davantage de détails, d'émotions. D'autant plus que les ellipses n'aident pas à s'imprégner de toute la difficulté d'une telle entreprise pour l'héroïne. L'histoire file alors que sa reconstruction est primordiale, bien plus que les frasques de Paul, les repas de famille, leurs discussions politiques et leurs mésaventures financières.
Tout ce qui entoure le sujet principal du roman lui fait de l'ombre. L'auteur veut nous présenter une vie remplie, une vie qui avance et qui est trépidante, mais cela donne l'impression inverse, comme si le sujet principal du roman se trouvait enlisé dans une masse informe d'évènements pris au hasard.
Le personnage de Paul est bien marqué dans les premières pages, puis il devient un fantôme. Il se transforme en celui qui aime Louise, celui qui est prêt à tout pour elle, celui qui ne nous dévoile plus ses ressentis, plus ses questionnements. On se demande même pourquoi il reste avec elle : on ne ressent pas son amour, il n'est pas palpable même s'il agit en ce sens. L'émotion nous manque. de plus, il est difficile à cerner. Parfois, il s'énerve pour des détails ou alors il agit avec impulsivité. On ne sait plus très bien sur quel pied danser.
Comprendre davantage Paul aurait été jouissif car, dans ce processus de reconstruction, les deux protagonistes possèdent chacun un rôle d'importance. Dans le roman, il attend gentiment que Louise se répare mais cela ne semble pas réaliste. Même s'il est fou amoureux, il semble éteint sans bouillonnement interne – pas d'impatience, pas de rêveries, pas d'éclats, pas de tristesse, pas de faux pas. Être amoureux à ce point ne signifie pas être un robot, bien au contraire. On nous promet un homme amouraché, il n'en devient qu'une personne fade même s'il offre le monde à sa chérie. On nous dépeint ses actions, pas assez ses émotions.
Des dialogues qui manquent de saveur, un rythme décousu
La direction première de le destin d'une fille violée semblait prometteuse. Se soigner après un tel drame requiert de la patience, de la volonté et du soutien, des soins et un accompagnement au quotidien. Une équipe médicale attentionnée suit Louise. Les explications des médecins s'avèrent intéressantes, détaillées pour le coup, peut-être trop d'ailleurs. La balance entre sensations personnelles et dictons scientifiques penche davantage vers la théorie, et c'est dommage. Louise s'efface au profit de ces discours qui paraissent alors creux car non reliés à ses émotions internes personnelles.
Dans les interactions, elle n'est pas aux premières logues : les autres personnages prennent sans cesse le dessus. L'auteur nous décrit ses évolutions par la prose plutôt que par le verbe, il raconte plutôt qu'il expose. Nous ne sommes pas dans un show don't tell qui aurait servi l'intrigue pour nous donner à vivre les évènements, pour nous happer complètement et nous fondre dans l'héroïne. Les dialogues auraient rallongé l'histoire, certes, mais l'auraient rendue bien plus vibrante ! Les échanges mènent la vie et tout ce qui va avec.
Le rythme se montre décousu. le début prend son temps lors de la rencontre des deux amoureux et c'est tant mieux. On assiste aux doutes des deux côtés et aux échanges lors des rendez-vous. Puis, une fois qu'ils sont officiellement ensemble, le temps change. Tout s'accélère ! le lecteur assiste moins à leurs discussions pourtant prenantes, à croire que même nos héros s'embourbent dans une routine qui n'a plus de charme, alors que les traumatismes de Louise sont loin d'être résolus et qui lui reste un long chemin à parcourir pour s'en sortir.
Un message ?
La fin de l'histoire est une tragédie ! Rien n'est réglé, c'est même pire qu'au début. Que doit-on retenir de cette fin ? Quel message a voulu nous transmettre l'auteur ? Est-ce cela pour lui une belle histoire d'amour émouvante ? Les victimes d'inceste sont-elles vouées au malheur ? La reconstruction n'est-elle qu'une farce promise par les médecins ?
Si l'on raisonne un minimum, on se doute bien que tout humain souhaite le rétablissement et le bonheur de ses pairs, l'auteur ici compris. Cependant, la conclusion de son roman nous rend perplexe et ne nous aide pas à appuyer cette vérité.
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