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Critique de Milleliri


En 2014 j'ai lu « Après » de l'écrivain allemand Erich Maria Remarque, où un jeune soldat décrit le difficile retour à la vie civile. Retour impossible, en fait, tant la guerre a brisé la jeunesse des protagonistes. le roman m'avait laissé un goût amer.

Cette année [2016] je lis « A l'ouest rien de nouveau », dont « Après » est la suite. Il n'est pas nécessaire d'avoir lu le premier pour comprendre le second, mais comme ils sont très complémentaires, je regrette de n'avoir pas commencé avec le premier. J'avais un peu oublié « Après » mais au fil de ma lecture, je me suis rappelée certains passages et ça n'a fait qu'alimenter mon sentiment diffus de profond gâchis et de tristesse.

Ce n'est pas étonnant que « A l'ouest rien de nouveau » ait eu un si grand impact à sa sortie en 1928 et encore aujourd'hui. Il amène le lecteur sur le front, lui fait entendre le vacarme perpétuel des bombardements, lui montre les rats grimpant sur les visages pour voler les quignons de pain, lui presse dans les bras une recrue littéralement folle de terreur, l'étouffe dans un masque à gaz au milieu d'un cimetière où les cercueils éclatent sous les grenades. le roman n'édulcore rien mais il n'y a aucune emphase. Il n'y a aucune nécessité à verser dans le gore parce que la guerre est par définition une expérience extrême qui se suffit largement à elle-même.

Au contraire, cette écriture affranchie permet d'aller directement au coeur de ce petit groupe de jeunes gens que la guerre a rendu aussi expérimentés que des vieux. On comprend avec effarement tout ce qu'ils sont en train de perdre, tout ce qui est en train de changer pour eux et, aussi, à quel point ils en sont infiniment conscients. C'est surtout ce dernier point qui me remue profondément. Il n'est pas possible de s'en tenir à une place de lecteur omniscient et déconnecté. On ne peut pas compatir « par principe » car on est là nous aussi, au front, pétris de peur et implorant le hasard.

Il n'y a pas de distance ou si peu : l'écrit. Ce sont les mots qui sauvent, autant l'auteur, je pense, que le lecteur qui a la chance de n'avoir rien expérimenté de première main.

Et je repense à ces images qu'une noirceur absolue – les gravures d'Otto Dix en 1924 – qui expriment avec une terrifiante économie de moyens, égale à celle de l'écrivain, des choses pourtant inexprimables. Il est symptomatique que les romans de Remarque comme les gravures de Dix aient mis dix ans à glisser sous leur plume, et que ce soit des oeuvres de fiction. Remarque n'a pas écrit un témoignage mais des romans, et Dix n'a pas reproduit ses croquis de tranchées mais créé de nouvelles images…

« Je me lève, je suis très calme. Les mois et les années peuvent venir. Ils ne me prendront plus rien. Ils ne peuvent plus rien me prendre. Je suis si seul et si dénué d'espérance que je peux les accueillir sans crainte. »
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