Les peuples ont leurs moments de lâcheté ou de stupeur; ni les paroles ni les actions n'ont plus de prise sur eux, et tout serait perdu si le salut devait venir de l'élan de la conscience publique. Attendre que les masses se réveillent d'elles-mêmes, ce serait attendre l'impossible: mais alors il y a des individus qui veillent pour tout un peuple, et c'est pour ces temps-là que les héros sont faits; en se conservant intacts, ils parviennent à ranimer les autres. Tels étaient en 1568 Guillaume et Marnix. La vie des Pays-Bas était en eux.
Revenu en Belgique à vingt et un ans, protestant et républicain, le premier spectacle qui s'offre à Marnix dans son pays est celui des échafauds; mais les supplices ne s'achevaient plus sans protestations; il sortait de la foule une sourde rumeur. Quelquefois le peuple dispersait le bûcher avant qu'il fût allumé; d'autres fois le geôlier lui-même ou ses enfants rendaient la liberté aux prisonniers.
Quand les peuples commencent à s'abâtardir, ils conservent souvent encore une grande force physique, à la condition toutefois qu'on les emploie dans le sens de la tyrannie; mais ils sont impuissants dès que vous voulez les faire servir à la liberté c'est là le phénomène qu'on observait chez les Wallons.