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Critique de LecteurActe


Ce tome 7 est plus plaisant que les tome 5 et 6 qui avaient failli me faire arrêter la lecture de cette oeuvre. Il s'agissait d'un roman choisi par mon groupe de lecture donc j'ai fait l'effort d'aller au bout mais le ravissement ressenti sur la première moitié de l'oeuvre s'est éclipsé à partir de la soirée chez les Guermantes dans le tome 3 : c'était très long, plus de deux-cents pages de description aristocratiques sans que le narrateur ne fasse quoi que ce soit à ce diner, il disparaissait même complètement du récit au profit de descriptions d'arbres généalogiques.

Les thèmes abordés de l'art, de la famille, de l'amour, de la mémoire et du temps qui passe étaient très plaisants mais celui de la jalousie m'a irrité au possible. le style est magnifique mais les trois mille pages m'ont paru très longues. J'ai l'intuition que (dans quelques années) ma seconde lecture sera beaucoup plus plaisante en connaissant l'histoire et les personnages et sans avoir cette « obligation » quotidienne de lire Proust mais en le parcourant à mon rythme. Dans une vidéo youtube Guy Schoeller raconte que Gaston Gallimard lui avait appris à lire Proust de la manière suivante : « Vingt pages par jour du lundi au samedi ». Cette vitesse de lecture fut très agréable pour me baigner dans le fleuve proustien sans m'y noyer quotidiennement mais à long terme, telle une digue débordant, la saturation des tomes et des thèmes me submergea.

Six mois consécutifs de Proust furent trop pour moi, un trimestre de pause entre chaque tome m'aurait probablement moins donné cette sensation de répétition thématique (aristocratie, bourgeoisie, jalousie) sur trois mille pages. Avec tout autre auteur non auréolé d'une telle magie littéraire j'aurais interrompu ma lecture à mi-parcours, c'est sa réputation qui m'a fait continuer la lecture et non son oeuvre.

Laure Murat donne le nombre de ventes des tomes (dans son livre « Proust, roman familial », source de Thierry Laget en 2019) : tome 1 à 1,2 millions d'exemplaires, tome 2 à 0,83 million, tome 3 à 0,52, tome 4 à 0,52, tome 5 à 0,52, tome 6 à 0,49 puis tome 7 à 0,55. Sur un siècle les ventes sont finalement peu impressionnantes à partir du tome 3. On retrouve la même chute sur Babélio (à date de cette critique) : tome 1 à 20 753 lecteurs (je crois que cela concerne les catégories lu, à lire et pense-bête) pour 4 231 notes et 298 avis mais un tome 7 à 2 224 lecteurs pour (557 notes et 50 avis). Apparemment beaucoup de personnes lisent les tomes 1 et 2 puis arrêtent pendant que ceux qui passent le tome 3 semblent aller jusqu'au bout.

Je suis un profane de la littérature donc je suis passé à côté de beaucoup de choses. C'est un beau roman mais j'ai l'impression qu'il est peut-être trop porté aux nues : que beaucoup de personnes (écrivains, journalistes, lecteurs) ne l'ont peut-être même pas lu en entier mais suivent le mouvement parce qu'il serait honteux de ne pas avoir lu Proust ou insultant d'avoir été déçu par Proust. Ou alors des personnes l'ont lu en entier mais refusent peut-être de dire qu'elles sont déçues parce que cet investissement temporel ne serait pas socialement « rentabilisé » (plus de cent-trente heures de lecture). En tout cas, tant mieux que tant de personnes dans le monde prennent du plaisir à lire cette oeuvre.

Comme Proust le dit lui-même dans la fin de ce tome 7, ce livre n'était pas pour moi, il ne m'a pas permis de bien lire en moi-même, probablement à cause de mon manque de culture ou parce que je n'étais pas encore à une étape de ma vie me permettant cette lecture en moi-même :

— « Longtemps, un tel livre, on le nourrit, on fortifie ses parties faibles, on le préserve, mais ensuite c'est lui qui grandit, qui désigne notre tombe, la protège contre les rumeurs et quelque peu contre l'oubli. Mais, pour en revenir à moi-même, je pensais plus modestement à mon livre, et ce serait même inexact que de dire en pensant à ceux qui le liraient, à mes lecteurs. Car ils ne seraient pas, comme je l'ai déjà montré, mes lecteurs, mais les propres lecteurs d'eux-mêmes, mon livre n'étant qu'une sorte de ces verres grossissants comme ceux que tendait à un acheteur l'opticien de Combray, mon livre, grâce auquel je leur fournirais le moyen de lire en eux-mêmes. de sorte que je ne leur demanderais pas de me louer ou de me dénigrer, mais seulement de me dire si c'est bien cela, si les mots qu'ils lisent en eux-mêmes sont bien ceux que j'ai écrits (les divergences possibles à cet égard ne devant pas, du reste, provenir toujours de ce que je me serais trompé, mais quelquefois de ce que les yeux du lecteur ne seraient pas de ceux à qui mon livre conviendrait pour bien lire en soi-même). »

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