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Critique de Isidoreinthedark


Les romans de Véronique Ovaldé, souvent situés dans des lieux qui n'existent pas, frappent par la puissance de l'imaginaire onirique de l'auteure qui s'enroule telle une liane autour de l'intrigue. Si le genre de la nouvelle reste très prisé outre-atlantique, il est hélas considéré, à tort, comme mineur en Europe, où le roman tient le haut du pavé. Auteure accomplie, Ovaldé fait ainsi preuve d'un certain panache en publiant « À nos vies imparfaites », son premier recueil de nouvelles.

La première des huit nouvelles du recueil nous conte le destin singulier d'Auguste Baraka, qui doit son surnom à une malchance légendaire. Une malchance telle que notre héros, ingénieur du son de son métier, a rejoint les MA, les Malchanceux Anonymes, un groupe de parole dédié à tous ceux qui comme Auguste doivent affronter une malchance difficile à concevoir. Un jour de grève, il visite un appartement où il compte installer un studio d'enregistrement. Un endroit particulièrement calme et parfaitement adapté au projet d'Auguste. C'est une certaine Éva Coppa, agente immobilière peu efficace, qui s'occupe de la transaction. Auguste est tellement enthousiaste qu'il propose à Éva, dont le charme ne le laisse pas insensible, de conclure sur-le-champ l'acquisition de l'appartement. Cette dernière hésite, car elle sait que l'immeuble est situé au-dessus d'un croisement entre deux lignes de métro, et qu'excepté les jours de grève, le lieu est extrêmement bruyant et tremble toutes les deux minutes. Mère célibataire d'une petite fille dont le père n'a jamais saisi la notion de pension alimentaire, elle décide de vendre l'appartement à Auguste, pour toucher sa commission.

Le twist final nous apprend que, des années plus tard, Auguste et Éva se remémoreront ce jour si particulier, le jour de leur rencontre. Un twist qui éclaire rétrospectivement la nouvelle d'une lueur teintée d'espoir. S'il n'a pas fait l'affaire du siècle en achetant cet appartement, Auguste a rencontré la belle Éva et peut-être enfin vaincu le mauvais sort. « Les désarrois d'Auguste Baraka » nous rappelle enfin que la chance est une notion toute relative et qu'une rencontre amoureuse ne saurait se comparer à une transaction immobilière, aussi malheureuse soit-elle.

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Si les nouvelles peuvent se lire indépendamment les unes des autres, Véronique Ovaldé tisse une toile qui les relie, en faisant de l'un des personnages secondaires d'une nouvelle, le personnage principal de la nouvelle suivante. La deuxième nouvelle approfondit ainsi la destinée d'Éva Coppa, tandis que la troisième nous conte l'adolescence insolite de sa fille qui se fait appeler Bob et ainsi de suite. Si le personnage d'Éva Coppa apparaît dans plusieurs nouvelles, « À nos vies imparfaites » n'est pas un roman déguisé, tant les nouvelles du recueil explorent des univers distincts. A la manière de Joseph Incardona, l'auteure s'adresse parfois directement au lecteur, pour lui donner son avis sur telle ou telle situation. Des incises discrètes et décalées qui font mouche.

« Mon amie chinoise me dit toujours que son nom lui ouvre les portes de n'importe quel service d'ingénierie informatique, les humains sont accablants, je ne vous le fais pas dire. »

Les fins des nouvelles sont particulièrement percutantes. Elles nous proposent tantôt un twist inattendu, tantôt une conclusion qui donne au texte une couleur que l'on n'avait pas décelée. Démiurge littéraire facétieux, Véronique Ovaldé surprend son lecteur avec une facilité déconcertante. Un effet de surprise, jamais artificiel, qui confère au recueil toute sa force de percussion.

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Les nouvelles nous sont étrangement familières, dans la mesure où nous y retrouvons l'un des protagonistes de la nouvelle précédente et pourtant surprenantes, tant les univers abordés diffèrent d'un texte à l'autre. On y retrouve l'imaginaire foisonnant de l'auteure, sa drôlerie irrésistible, sa façon d'aborder des sujets sérieux sans jamais se prendre au sérieux. Malgré la gravité des situations abordées, Véronique Ovaldé aime ses personnages et leur offre la possibilité d'une rédemption. Sans doute sa manière de rendre hommage à la poésie improbable de « nos vies imparfaites ».

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