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Critique de Osmanthe


Y'aurait-il quelque chose de détraqué au pays du soleil levant ? A lire Hideo Okuda, on ne s'interroge même plus ! En six tableaux aussi éloquents que consternants, l'auteur du déjanté Docteur Irabu met en scène quelques personnages complètement obsédés par le sexe. Et il ne s'agit pas là d'êtres volages qui vont cocufier quotidiennement leur conjoint avec un partenaire différent, non, ils sont comme contaminés par une terrible déviance qui va jusqu'à mettre en péril leur propre vie.

Le lecteur va ainsi rencontrer pour commencer un jeune homme mal doté par la nature et malheureux en amour, qui, lorsqu'il ne fait pas son affaire avec une grosse fille gourmande et collante, tout aussi mal dotée, se pignole en écoutant les ébats de son voisin avec chacune des minettes qu'il ramène chaque soir à l'appartement…Le même voisin qui en fait teste ces filles, qu'il convainc de jouer moyennant finance dans des vidéos X orchestrées par une petite bande qui en tire les bénéfices. Un jour, une femme plus mûre délaissée par son mari et en manque accepte de tourner…jusqu'à se retrouver nez à nez avec sa propre fille dans un plan à trois…Cette femme cache d'ailleurs un terrible secret dans sa maison qui empeste tout le quartier. Alors quand tout fout le camp, autant que son logement parte en fumée ! Pour jouer les pyromanes, elle va trouver un jeune pigeon sans volonté…Pas étonnant finalement, le jeune en question est lui aussi au bout de son rouleau. C'est qu'il a été le complice, au départ involontaire d'un petit trafic pas joli-joli mêlant de petites lycéennes décidément bien trop dévergondées et vénales. Car le club de karaoke où il bosse se transforme peu à peu en véritable maison de passe où des messieurs viennent batifoler moyennant quelques dizaines de milliers de yens avec des mineures toujours plus gourmandes, mais surtout de monnaie sonnante et trébuchante. Les hommes sont au paroxysme de l'excitation, les clients, mais aussi les employés s'y mettent, les filles sont parfois vindicatives et récalcitrantes, l'atmosphère s'électrise…La police met les pieds dans le plat, surprenant parmi les clients un écrivain de romans érotiques sur le retour, qui cherchant l'inspiration dans la vérité de terrain en a oublié la loi et tout contrôle de lui-même ! Et que dire de cette grosse jeune femme, très gourmande…dont on découvrira qu'elle exploite sans vergogne à des fins mercantiles ses ébats successifs pourtant officiellement non tarifés avec le facteur du quartier et deux de ses collègues. Mais au fait, cette femme obèse, je ne l'ai pas signalée, elle aussi, plus haut !?

Et oui ! La construction du récit est bien ficelée, car sous l'apparence d'une succession de six nouvelles sur le thème central d'une obsession sexuelle et ses dérives lamentables, l'auteur prend soin de tirer son personnage principal du tableau précédent, où il était un personnage secondaire. En bouclant ainsi la boucle, ce procédé permet de donner une cohérence à l'ensemble, d'autant plus forte que la thématique est en permanence tournée vers cette obsession. On peut donc finalement bien parler de roman. du roman du Tokyo des perdants. Certes, je n'ai pu m'empêcher de trouver au moins deux sortes de défauts à cette oeuvre : un scénario parfois un peu trop rocambolesque et exagéré, et évidemment du sexe récurrent qui n'a rien d'érotique, et tout de pornographique, même si l'auteur ne s'attarde jamais dans une longue description. On est là dans l'accumulation, la quantité et pas une description « qualitative ». le but de l'auteur n'était clairement pas de créer une ambiance érotique pour émoustiller sérieusement le lecteur, mais de souligner le détraquement mental de ces pauvres bougres. Mais pour ça, la démonstration est assez magistrale ! Ces gens évoluent dans un contexte de mal-être dans leur vie : besoin d'argent, vie de couple morne marquée par les conflits, l'indifférence et l'absence de sexe, physique repoussant ou déclinant. Surtout, ils font preuve d'une grande faiblesse de caractère devant la tentation, de l'argent et du sexe, qui va les entraîner à auto-saborder leur vie en peu de temps, puisqu'ils sont toujours rattrapés par la police ou par un destin plus cruel encore. L'auteur en cela est très habile pour rendre ce basculement de ces êtres ordinaires dans une sorte d'auto-destruction, alors qu'ils auraient quand même pu continuer à vivre tranquillement sans grand dommage. C'est que dans la folie urbaine du monde moderne, on croit à ces trajectoires déviantes brisées nettes. Un livre écrit en 2005, souvent dérangeant, toujours palpitant, plutôt bien écrit, alliant drame, et il faut le dire humour, qui révèle sans doute une part de vérité sur l'univers du Tokyo nocturne et souterrain, mystérieux et déroutant, mais aussi licencieux et parfois hors des limites de la légalité.
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