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Critique de zenzibar


Ce livre 3 clôture cette trilogie 1Q84 d'Haruki Murakami qui a rencontré un important succès commercial, dans notre monde et sans doute dans des mondes parallèles…
il n'est donc pas besoin de rentrer dans le détail de la narration.
Je rappellerai simplement qu'il s'agit de l'histoire de deux trentenaires, Aomamé et Tengo dans le Japon des années 80, qui s'aiment depuis leur furtive rencontre à l'école primaire et séparés brutalement pendant vingt ans. Dans cette histoire, l'écriture et la publication d'un livre, qui se retrouve propulsé en haut de l'affiche, « la chrysalide de l'air », vont faire bouger les lignes.
« Les choses et l'apparence c'est différent »
J'ai consulté un certain nombre de critiques émanant de lecteurs de babelio mais aussi de « professionnels », il apparait que cette trilogie ne laisse pas indifférent, entre enthousiasme, envoutement et incompréhension, ennui. Je suis dans la première catégorie mais je propose une grille de lecture qui semble t-il se singularise.
En premier lieu, la référence au roman d'Orwell 1984 ne me parait pas pertinente en dépit de la quasi homonymie du titre et de certaines mentions expresses dans le corps de l'oeuvre de Murakami. Les « little people », les Précurseurs ne sont pas « big brother » il est possible de leur échapper, on ne connait pas véritablement leur nature, leur essence, leur dessein, pas nécessairement toxiques. Or, on sait que le monde de big brother est un totalitarisme absolu, omnipotent.
En second lieu, 1Q84 n'est pas un livre fantastique, le rapprochement pourrait être fait avec cette autre magnifique trilogie « A la croisée des mondes » de Pullman. Cette trilogie est effectivement construite autour de l'existence de mondes parallèles, y compris celui des morts, où on peut passer corps et âme, enfin pour certain(e)s dans des conditions particulières. C'est encore moins Lewis Carol, Aomamé ne bascule pas en descendant avec son échelle métallique comme Alice passe derrière le miroir. de l'autre côté du miroir, il s'agit d'un monde désaxé, en trompe l'oeil, d'onirisme baroque.
A mon avis 1Q84 est plus proche du « monde de Sophie » de Gaarder que de celui de Pullman ou d'Orwell, c'est un roman philosophique, sans que jamais le texte ne prenne un ton académique. Les interrogations viennent, naturellement, subtilement présentées, s'interpellent et en se liant prennent sens, comme des pièces d'un mandala que l'on construit. Ceci peut expliquer que certains lecteurs soient décontenancés, en particulier après le début où avec Aomamé en tueuse à gages et son arme fétiche, quelques séquences érotiques, ces lecteurs peuvent imaginer avoir affaire à un polar fantastique à la mode basic instinct.
En descendant ce fameux escalier sous l'oeil narquois du tigre d'Esso, le seul saut réalisé, le seul sceau qu'elle brise (oui facile…) Aomamé le fait en elle, à l'intérieur d'elle même. Il s'agit d'une descente en soi, au plus profond pour sortir de la phase de son existence qui l'empêche de retrouver l'homme de sa vie. Elle doit prendre conscience des obstacles et les surmonter, de l'univers mental où elle s'est laissée enfermer.
« je suis ce que je suis depuis toujours »
Il n'y a qu'un monde c'est celui que l'on construit, qui correspond à son authenticité, en l'occurrence celui de l'amour.
C'est ainsi qu'il peut être lu dans le livre 2 « Oui 1984 comme 1Q84 ont la même formulation originelle. Si tu ne croyais pas au monde et s'il n'y avait pas ton amour, tout ne serait que toc. Peu importe que l'on trouve dans l'un ou l'autre de ces mondes, la ligne qui sépare la réalité de l'hypothèse n'est généralement pas visible pour les yeux. On ne la voit qu'avec le coeur. »
Aomamé doit quitter sa vie de tueuse, se faire violence pour créer des liens humains forts, ne pas se laisser dévorer par des apparences glauques qui ont emporté ses deux amies. C'est le monde qui est en elle et nulle part ailleurs, qu'elle doit affronter et tuer.
Ainsi du livre 1 il peut être également cité « Aomamé lança un regard autour d'elle puis examina la paume de ses mains, scruta la forme de ses ongles et pour plus de sureté, également celui de ses seins en les saisissant à deux mains par dessus son chemisier. Pas de changement. C'était bien le même volume et la même forme. Je suis ce que je suis depuis toujours. le monde est le monde de toujours. Pourtant quelque chose a commencé à être différent. Cela Aomamé le ressentait. »
Roman philosophique ai-je dit, Murakami pose ses héros en questionnements, en méditations avec des enchainements soigneusement mis en ordre de bataille philosophique.
« Je ne possède strictement rien sauf mon âme »
Le sous titre du chapitre 2 du livre 2 est un clin d'oeil exprès à Descartes et à ses méditations métaphysiques. du reste, dans la citation précédente impossible de ne pas associer les interrogations d'Aomamé à celles formulées dans ces méditations.
Tengo doit aussi descendre en lui-même, pacifier son mal être, s'interroger sur ses relations avec celui qui est officiellement son père ; lui aussi il lui faut descendre retrouver cet homme affronter des questions qui lui vrillent l'âme et qui l'ont enchainé dans un monde.
Pour retrouver Aomamé il doit voir également cette seconde lune qui éclaire la nuit de sa souffrance, de son enfance, du haut de ce toboggan, ne pas voir (que) la lune des apparences. Il écrit les mots de la « Chrysalide de l'air » qui lui offre sa métamorphose, les mots qui entrent en résonance. Il quitte les chemins balisés des maths qui l'empêchaient de percevoir et d'accéder à la vie, à sa vie.
Il y aurait bien sur encore beaucoup à dire mais je conclurai néanmoins en indiquant que n'ayant pas lu d'autres livres de cet auteur, j'ignore par conséquent si ses autres oeuvres sont du même niveau mais 1Q84 est une pure merveille
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