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Critique de elitiatopia


C'était une étrange redécouverte de ce roman mythique, que j'ai lu jeune, avant 20 ans. Les amours tumultueuses de Scarlett m'avaient marquée, tant sa passion incontrôlable pour un homme marié qu'elle estimait lui appartenir, que sa trouble attirance pour Rhett. Ah... Rhett, cynique dandy, pirate au grand coeur bien dissimulé... Nagions-nous en plein Harlequin ?

Pourtant non ! À relire ces deux tomes, j'ai pris conscience du caractère total de ce roman, tellement fouillé, qui nous plonge en plein dans la guerre de Sécession, l'avant idyllique pour les planteurs (certes pas pour les esclaves, quoi qu'en disent lesdits planteurs !), l'après avec le retour de bâton, l'enrichissement de parvenus aventuriers et les sévices économiques exercés sur le Sud, et notamment la ville d'Atlanta, par les anciens ennemis - droit de vote supprimé, pauvreté, blessures de guerre, perte totale du niveau de vie, et même d'un niveau de vie suffisant, désespoir d'une génération... Je déteste la mentalité du Sud des États-Unis (à vrai dire, je ne goûte pas particulièrement la mentalité américaine tout court), mais il est difficile de comprendre les gens du Sud sans pénétrer cette nostalgie et cette amertume.

Margaret Mitchell trace là le parcours d'une vie de multiples personnages, tous très bien campés. L'environnement de Scarlett, tant à Atlanta qu'à Tara, est passionnant, je ne me suis pas ennuyée une seconde. Et pourtant, je n'aime pas du tout Scarlett et je peinerais énormément à tenter de m'identifier à cette jeune femme si matérialiste et à première vue égoïste. Cependant, le talent de l'autrice est bien de nous présenter sous toutes les coutures des personnages complexes, leur façade et leurs petits arrangements avec leur conscience : la crinoline imposante et les jupons troués - à la guerre comme à la guerre ! Chaque personnage a ses forces et faiblesses, sa beauté et sa laideur morale. Scarlett elle-même est courageuse et, à son corps défendant, loyale et généreuse. J'ai redécouvert Rhett, adoré son cynisme et sa sensibilité cachée, même s'il a lui aussi bien des défauts. Finalement, celle qui s'en sort le mieux, c'est Mélanie : on pourrait croire qu'elle est fade et mièvre, erreur fatale - c'est une héroïne badass !

Margaret Mitchell a su encore à merveille nous camper les lieux : on s'y croirait, dans les champs de coton, les grandes bâtisses blanches des plantations, ou encore les rues d'Atlanta. Quels décors ! Pas étonnant qu'il y ait eu une adaptation, ce roman c'était Hollywood avant la lettre. L'écriture nous rend ce monde disparu si vivant qu'il en est presque poignant, et n'était le Ku Klux Klan et ses cagoules, on se surprendrait presque à désirer y vivre... mais voilà : j'en arrive au gros hic, le racisme, même plus latent à ce niveau-là. Les Noirs sont de grands enfants, il faut faire leur bien malgré eux. D'ailleurs, quand ils ont la liberté, ils ne savent pas quoi en faire. Les ingrats une fois affranchis par les Nordistes boivent, ne fichent rien et agressent des femmes blanches. Quand ils sont fidèles, ils gambadent partout tels de gentils toutous, un rien leur fait plaisir. Quand ils ont la sagesse comme Mama, ils expriment une douleur pensive sur leur visage de singe (eh oui...). Bref. On est aux antipodes de Black lives matter, et heureusement que la société a évolué ! Mais il s'agit aussi d'un livre daté, qui offre une vision de ce qu'a été ce monde. Je ne trouve pas ce livre (ni sa première traduction) menaçant, car il n'avance pas masqué, et que tout lecteur ayant un minimum de notions d'histoire peut faire la part des choses. Voici mon plaidoyer : enseignons l'histoire, la philosophie, les lettres, la civilisation, plutôt que de déchirer les pages des livres, de les brûler et les censurer, à l'égal de la plupart des régimes barbares. C'est quand même un coup de coeur, tellement riche en analyse, en psychologie, et c'est donc un 5/5.
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