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Critique de Pujol


Nous voilà embarqués dans la chaleur de l'été 1971 avec le commissaire principal Marcel Morin nommé en grande hâte comme chef de la brigade des stupéfiants à l'évêché de Marseille. Directement venu de la 6ème brigade territoriale de Paris, il a pour mission d'éteindre le feu diplomatique qui couve alors entre la France et les USA sur le sujet très sensible du trafic d'héroïne.

Nixon reproche aux autorités françaises de ne pas suffisamment taper sur les réseaux du banditisme français et notamment marseillais. Ceux-ci semblent en effet être les raffineurs et exportateurs principaux de la drogue responsable de 6000 morts par an aux USA.

C'est donc le plongeon au beau milieu de la "French Connection" 2ème époque, début des années 1970 que nous offre Missen, alors journaliste dans un journal local : "le Provençal". le point de vue est rapproché, presque embarqué aux côtés de Morin et de ses enquêteurs ou avec les "passeurs" et les voyous chargés de diffuser l'héroïne "cuisinée" à Marseille sur le continent américain. Nous voilà au coeur de l'histoire, en planque dans une camionnette avec 3 flics devant un bar interlope de Montolivet, puis sur une route mexicaine avec un couple de "mules" roulant direction les états-unis, au volant d'une DS bourrée à craquer de sachets d'héroïne. le talent du journaliste arrive à dépeindre d'une manière très convaincante l'atmosphère, tout en donnant chair aux personnages

On comprend vite que la "french connection" en partie bien marseillaise n'est pas une organisation unique et centralisée mais une constellation d'équipes composites, plus ou moins en contact les unes avec les autres. Je dois avouer que je m'attendais à voir apparaître les grands noms de la pègre marseillaise de cette époque, Zampa, le Belge ou le Mat. Point du tout. Ce sont des noms qui m'étaient largement inconnus et qui surnagent de ces histoires. Des "beaux mecs", certains déjà bien connus dans le milieu depuis de nombreuses années et qui s'allient, se tuent, se recomposent selon l'occasion.

Le milieu marseillais n'est donc pas aussi organisé ni hierarchisé que la mafia italienne ou sicilienne, mais plutôt chapeauté par des figures qui tout en menant leurs affaires qu'ils essaient de rendre les plus lucratives possibles, jouent les juges de paix pour éviter les dérapages trop nocifs au commerce.

Nous découvrons également le terrain local redoutablement accidenté dans lequel Morin va devoir opérer. le milieu policier marseillais ne voit pas d'un bon oeil ce "parisieng" très entreprenant qui commence à obtenir des résultats et qui met au grand jour leur coupable passivité.Il faut dire que ce Morin a des idées et sait les mettre en pratique : fini les enquêtes à posteriori pour trouver le qui, le comment et le pourquoi. Morin, c'est l'école du flagrant délit, de la planque, des filoches, des écoutes sur plusieurs individus durant des semaines, des mois, en espérant les sauter au moment du passage à l'acte.

Ne le cachons pas, ce que j'ai apprécié surtout ce sont les anecdotes savoureuses, ces petits biscuits que l'on aime se raconter entre amis autour d'un verre et que Missen a saupoudré le long des pages. Comme l'histoire de ce chanteur de variétés françaises, Edmond-Victor Taillet, poissé aux Etats-Unis pour avoir fait passé 800 kilos de dope (le chanteur a un sens des proportions toute marseillaise) dans les amplis de la tournée américaine de Johnny Hallyday. Ou encore ce monstrueux "camion renifleur d'héroïne" donné par les américains du Narcotic Bureau aux policiers français, circonspects, sensé repérer "discrètement" les laboratoires de transformation de morphine-base dispersés dans la garrigue marseillaise.

Puis les noms, des dizaines, des centaines de noms et d'alias "le frisé", "le grand", "le blond" , "le chinois" et puis des vrais noms, tellement fous qu'ils paraissent faux, de Marcel BOUCAN à Santo TRAFFICANTE.

Le récit est bien construit, nerveux, nous tenant en haleine ce qui est une gageure tant le nombre de personnages et la succession de lieux, de planques et de pays pourrait rendre cela indigeste. On sent bien là le Pullitzer et l'Albert Londres du bonhomme. Puis ce qui a fini de me convaincre, c'est l'absence totale de fascination pour ces bandits. C'est un très bon travail de journaliste, de conteur, d'écrivain, propre, honnête et efficace. Une photo très réaliste et vivante d'un moment de cette lutte contre la drogue avec les cigales et le bruit des glaçons qui tintent dans les verres de jaunes en arrière-plan.



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