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Critique de MPM


MPM
23 novembre 2023
La couverture de ce roman montre un jeune et beau couple des années 50-60 enlacé dans une voiture, belle image colorée sur fond noir.
Rien à voir cependant avec le contenu de ce livre au titre intrigant (quid du « compagnon idéal ? »).

Autant le dire d'emblée, il est difficile de faire la critique de ce livre sans spolier en partie le ressort de ce roman étrange dont la petite musique plutôt triste m'a beaucoup plu. Encore que le lecteur attentif n'est pas berné très longtemps sur ce « compagnon idéal » auprès de qui l'héroïne, jeune fille réservée, à la limite de la phobie sociale, choisit de vivre durant le confinement imposé par le Covid.

Durant la période où ce virus sévissait, je me suis demandée si l'atmosphère angoissante qui régnait alors inspirerait les auteurs de fiction. Or c'est le premier roman que je lis qui a justement pour cadre le premier long confinement imposé par notre président. L'ambiance d'enfermement, d'horizon bouché, d'anxiété pour le présent et l'avenir est bien rendu. Isabelle Minière choisit même de rendre ce « grand confinement » plus angoissant encore que celui que nous avons vécu en imaginant des policiers trop zélés vérifiant les autorisations de sortie à chaque coin de rue et des pauvres gens sans abri démunis faisant partout la manche .

Pour en revenir à l'intrigue, la jeune héroïne Eva, timide et effacée, presqu'en retrait du monde, a donc choisi de se confiner chez elle avec Jimmy (Jimmy ou Jeff ?), tout juste rencontré à une soirée d'anniversaire de sa chef (dont Jimmy-Jeff est le jeune frère). Grace à ce jeune homme tendre et attentionné, Eva trouve l'amour et l'affection dont elle a tant besoin. En effet, ce n'est pas auprès de sa mère et de sa soeur, deux femmes inquisitrices et sans douceur, qu'elle pourrait obtenir du réconfort et pas non plus auprès de ce père dont elle attend désespérément un geste, un mot.

La romancière sème vite des indices qui nous font comprendre ce que vit réellement Eva et qui est ce « compagnon idéal » au prénom double. Jimmy- Jeff n'existe en effet que dans l'imagination de cette jeune femme en manque d'amour qui en vient à s'inventer un homme auprès d'elle pour conjurer le silence et sa grande solitude.

Ce roman est très bien construit. Isabelle Minière est habile car, même si l'on comprend assez vite que le personnage de Jimmy-Jeff est fictif, on se prend au jeu d'Eva, on comprend surtout peu à peu que cet homme est le double masculin de l'héroïne (lui aussi a une mère et une soeur qui lui rendent la vie difficile et un père « absent ». Eva recherche un alter ego masculin, une âme soeur. Et le suspens reste intense jusqu'au bout car le lecteur se demande si l'héroïne va sortir de sa rêverie. Et justement la fin aussi est très habile et distrayante, très ouverte …

En conclusion, j'ai beaucoup aimé ce livre au ton doux amer qui parle de « l'ultra moderne solitude » que chantait Souchon. Eva n'est pas seulement seule parce qu'elle n'a pas de compagnon dans sa vie mais aussi parce qu'elle ne communique pas avec sa famille, qu'elle se sent une pauvre chose au regard de sa mère et de sa soeur qui voudraient contrôler sa vie au motif qu'elle est « fragile ».

C'est une histoire qui commence de façon banale puisqu'il s'agit de décrire le quotidien d'une jeune fille solitaire et timide mais qui prend un tour doublement étonnant, d'une part, quand on comprend que Jimmy Jeff n'existe pas , et que d'autre part, le roman nous plonge dans une univers angoissant proche de la science fiction (on pense à Fahrenheit 751).

Le style est plutôt plat mais soigné et efficace, très adapté à cette histoire triste et étrange à la fois. L'intrigue, très travaillée, entraine vraiment le lecteur sans temps mort vers une fin très réussie à mon sens.

L'air de rien ce livre aborde des sujets graves comme la solitude, le basculement d'un individu dans la folie douce pour échapper à un réel triste et pesant, le basculement d'une démocratie vers une dictature technocratique absurde. Ce roman parle aussi de la force de l'imagination, de l'imagination féminine notamment car les femmes rêvent beaucoup d'amour. Et on en vient alors à se demander si le « compagnon idéal » n'est pas celui dont on rêve, celui avec lequel tous les scénarios sont possibles.
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