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Critique de gerardmuller


Fort comme la mort/Guy de Maupassant
Publié en 1889, ce roman peu connu mais d'une très grande puissance évocatrice, le cinquième de l'auteur, peut être considéré comme une peinture du milieu bourgeois de l'époque De Maupassant.
Choisissant la simplicité et la sobriété d'un style très classique, Maupassant crée la couleur, le ton, l'aspect, le mouvement de la vie, et se livre à une fine analyse psychologique sur l'amour et le vieillissement. Ce thème reste très actuel quand on voit de nos jours combien le culte de la jeunesse est célébré en même temps que le refus de la vieillesse.
Le titre fait référence au Cantique des Cantiques « L'amour est fort comme la mort, et la jalousie est dure comme le sépulcre. »
L'action se passe à la fin du XIX e siècle.
Olivier Bertin est un peintre célèbre et mondain à Paris. La fortune l'a conduit jusqu'aux abords de la vieillesse en le choyant et le caressant :
« L'aménité de ses manières, toutes les habitudes de la vie, le soin qu'il prenait de sa personne, son ancienne réputation de force et d'adresse, d'homme d'épée et de cheval, avaient fait un cortège de petites notoriétés à sa célébrité croissante. »
Bel homme, élégant et capricieux, gâté par le destin, son goût prononcé pour les femmes fait de lui un homme libre, facile à tenter pour une femme de caractère. Vivant sans devoirs, sans habitudes et sans scrupules, il profite de sa belle allure.
Anne de Guilleroy, la trentaine, est coquette, d'une coquetterie agressive et prudente qui ne s'avance jamais trop loin :
« Les compliments lui plaisaient, les désirs éveillés la caressaient, pourvu qu'elle pût paraître les ignorer. »
Femme mariée à un comte politicien chevronné et mère d'une fillette de six ans, sûre d'elle adorant l'agitation incessante autour d'elle, sa rencontre avec le peintre ne sera pas anodine et va faire basculer sa vie. Olivier tombe fol amoureux d'elle et réciproquement.
Anne devient vite sa maitresse et va exercer une véritable fascination sur cet homme qui va céder à une passion sournoise et dévorante. Résistant elle-même un temps, elle va succomber à son tour et connaître les affres de la jalousie. La vie d'Anne jusqu'alors s'est écoulée sans souffrance ; à présent son seul souci est de conserver l'affection d'Olivier, toujours à l'insu de son époux.
Douze années passent…
Peu à peu, Olivier va remarquer la beauté d'Annette, la fille d'Anne :
« Il se tournait vers la comtesse en admirant la fille comme pour remercier la mère de lui avoir donné ce plaisir…Il confondait de plus en plus la fille avec le souvenir renaissant de ce qu'avait été la mère. »
Et la comtesse va réaliser que chez elle où elle était seule admirée jusqu'alors, seule complimentée, fêtée et aimée, une autre, sa fille, prenait sa place.
« Dans ce royaume, la maison d'une jolie femme, dans ce royaume où elle ne supporte aucun ombrage, d'où elle écarte avec un soin discret et tenace toute redoutable comparaison, où elle ne laisse entrer ses égales que pour essayer d'en faire des vassales, elle voyait bien que sa fille allait devenir la souveraine. »
Bien que se défendant de toute séduction à l'égard d'Annette, qui du reste est promise au marquis de Farandal, Olivier subit une inévitable obsession qu'il ne parvient à fuir. Et comme les idées fixes ont la ténacité rongeuse des maladies incurables, Olivier n'a plus la liberté de songer à rien, de s'intéresser à rien, de prendre goût à la moindre chose.
On se dirige alors vers des heures de souffrances, d'incompréhension et de désespoir aussi bien pour Anne que pour Olivier, tous deux rongés par des jalousies différentes.
Jusqu'au dénouement dramatique inévitable comme dans une tragédie antique.
On remarquera tout au long de ce riche et éblouissant roman l'art du dialogue que Maupassant manie avec une maitrise inégalable.
S'ajoute à ces échanges verbaux l'introspection constante à laquelle se livre chacun des deux personnages principaux ;
Et puis l'art magique De Maupassant pour décrire les situations, un art qui nous introduit parfaitement dans l'ambiance comme si nous étions des observateurs privilégiés invisibles :
« À travers la buée de lait qui baignait les champs, l'horizon s'illimitait, et le silence léger, le silence vivant de ce grand espace lumineux et tiède était plein de l'inexprimable espoir, de l'indéfinissable attente qui rendent si douces les nuits d'été. »
Ce roman nous livre également toutes les manières de penser et d'agir d'une autre époque, celle teintée de romantisme de nos ancêtres d'il y a cinq générations. Et cela ne manque pas d'intérêt.


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