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Critique de LeScribouillard


Game of Thrones m'aura hanté toute ma vie, empêché de devenir l'écrivain de fantasy de génie que j'ai toujours été. À 14 ans, en bon Jean-Kevin Kikoolol, je m'inscris sur Wattpad et commence à publier une histoire sur un lutin appelé Tyrioc (sic). Mince, ça existe déjà. À peu près à la première époque, j'écris la première version restée inachevée du vaste projet sur lequel je travaille aujourd'hui dans le cadre de mon mémoire de recherche-création, une vaste étendue sauvage peuplée par des créatures ancestrales et surnaturelles nommées les Enfants de la Forêt. Mince, ça existe déjà. Bon, à part ça, mon autre grand projet épique, ça parle d'un Vieux Monde, c'est bon, c'est pas dans Game of Thrones, ça ? Non, ouf. Par contre, c'est dans un petit jeu de rôles et de figurines peu prisé par les antimilitaristes… Bôh, ça doit être sans grande importance.
Game of Thrones, donc. À la fin du tome précédent, Ned comme Robert avaient un petit… empêchement, et leurs progénitures devaient se mettre à régner à leur place. Joffrey Baratheon est donc devenu roi des Sept Couronnes, et les mesures qu'il prend sont pour le moins discutables : condamnations arbitraires, nomination d'irresponsables, réforme des retraites, sans parler de toutes les VSS sur lesquelles il est (pour une fois 😉 ) bien le fils à son père. Face au chaos qu'il déclenche, Robb, le fils aîné de Ned, choisit de se rebeller et devient son propre chef. de son côté, Tyrion se fait nommer Main du Roi et va s'acquitter de la lourde tâche (mais ô combien réjouissante) de mettre des bâtons dans les roues de son fumier de neveu en prétendant agir en son nom. Ajoutez-y un Jaime Lannister mis provisoirement hors d'état de nuire, et tout irait pour le mieux dans le moins pire des mondes si on exceptait les réticences et manigances de la perfide Cersei.
Hélas, il reste six tomes à remplir, et comme disait Saint-Just, « On ne peut régner innocemment » : Robb est devenu un monarque distant que l'on ne verra quasiment jamais, devant pour faire la guerre s'acoquiner comme l'avait fait son père en son temps avec des vassaux ignobles tels que lord Roose Bolton, tortionnaire qui n'est pourtant que de la petite bière en comparaison de son fils ; quant à Tyrion, si son intelligence et son pragmatisme lui permettent de réparer les pots cassés, ils lui offrent aussi une flamboyante ascension bien trop belle pour durer, durant laquelle il va découvrir que lui non plus n'est pas insensible à l'ivresse du pouvoir.
Enfin, comme si les choses n'étaient pas déjà assez joyeuses, voilà que le camp de Robb s'attire de nouveaux ennemis : à l'ouest, les Îles de Fer décident de faire sécession. C'est l'occasion de découvrir plus en profondeur le personnage de Theon, odieux et égoïste mais qui a été élevé dans la violence et la frustration permanentes. Celui-ci en a retiré des appétits peut-être aussi voraces que son père, l'inhumain Balon Greyjoy qui est sans doute le personnage le plus antipathique de la saga avec Vyserys Targaryen. Au sud, le prince Renly Baratheon pourrait faire alliance avec les Stark pour contrer les Lannister, mais c'est un bon vivant qui n'a que faire des conseils de la sage Catelyn, sans parler de son frère, Stannis, qui est bien décidé à reconquérir l'ensemble des Sept Couronnes pour obtenir le trône dont il estime qu'il lui revient de droit. Que dire enfin de la sorcière qui l'a converti à son culte, l'inquiétante Mélisandre… ou de la mystérieuse menace, au nord, qui se précise en même temps qu'elle se brouille ?
Vous l'aurez compris, malgré son abréviation aux consonances grivoises, ACOK ne fait pas dans la dentelle : la guerre a commencé, elle va être longue, rude et complexe ; tous les coups bas sont permis, à la cour comme sur le champ de bataille. le premier tome offrait déjà quelques scènes grimdarks, mais c'est sans commune mesure avec celles que nous découvrons ici, entre l'émeute de Port-Réal et l'accouchement de Mélisandre, au rythme et à la tension parfaitement gérées. C'est aussi l'occasion rêvée d'approfondir des personnages déjà très prometteurs : Tyrion, Theon et Stannis. Daenerys apparaît assez peu, mais nous découvrons avec elle l'étonnante cité de Qarth aux accents vanciens. Enfin, Sansa et Arya suivent chacune des calvaires très différents, mais durant lesquels elles vont acquérir plus de courage et de ruse que jamais, ainsi que la farouche détermination d'en finir avec leurs persécuteurs.
Alors je pourrais m'en arrêter là et vous dire que c'est aussi bien que le premier tome. Seulement, voilà : si la fin d'AGOT m'avait joliment hypé, c'est sur un sentiment de lassitude que j'ai avalé les dernières centaines de pages d'ACOK. Bran ne fait pas grand-chose durant les trois premiers quarts du récit, et pourtant on consacre un nombre de chapitres assez élevé à lui, sa déprime et ses mystérieux dons magiques. Theon quant à lui est un misogyne de première, qui ferait reculer Olivier de Benoist lui-même en brandissant à deux mains un crucifix et de l'ail : je vous avoue que les pages bien trop nombreuses dédiées à ses frustrations sexuelles et ses conquêtes féminines (parfois sans consentement) m'ont été pour le moins pénibles.
Car je commence à comprendre les reproches concernant les scènes de sexe dans GoT : si la plupart d'entre elles ont une utilité, le fait de faire constamment référence aux bordels, aux viols de guerre et aux abus conjugaux s'avère par moments franchement inutile et épuisant, ajoutant de la trivialité à un récit déjà très sombre et très violent. de même, avec la découverte des sauvageons et des Îles de Fer, au moins aussi virilistes que les dothrakis, on ne peut s'empêcher de penser que George R. R. Martin a un problème avec les cultures extra-occidentales : elles sont souvent dépeintes comme bestiales, cruelles et sans sensibilité. Heureusement que d'autres peuples comme les paludiers ou les lhazaréens ont des connotations plus positives.
Ajoutons à tout ça la traduction de Jean Sola qui vieillit comme le mauvais vin : dans AGOT on avait eu une « négresse », ici on a droit à des « nègres » et des « moricauds ». C'est sans compter les archaïsmes, les tournures de phrase tarabiscotées, et autres trouvailles à peu de frais pour avoir l'air intélijan sans réfléchir ni au rythme ni à la fluidité du texte.
Au final, quand on sort d'A Clash of Kings, on ne trouve plus guère d'espoir à l'Humanité : malgré le courage inconditionnel des enfants Stark, l'ambiance est presque au nihilisme, tant chaque personne exerçant un pouvoir, que ses intentions soient bonnes ou mauvaises, semble vouée inéluctablement à transformer le monde en charnier. Et aucune alternative un tant soit peu libertaire ne nous est proposée : puisque Hobbes et Machiavel, dont s'inspire allègrement Martin, sont des penseurs ayant vécu après le Moyen Âge, ne serions-nous pas en droit d'espérer aussi un personnage dont les idées se rapprocheraient davantage des humanistes ou de Rousseau ? Ce n'est probablement pas la première fois que je le dis, mais je suis las de ces innombrables med-fans où tout le monde s'entre-assassine pour devenir le roi / l'empereur / calife à la place du calife, et ne proposer au final aucun changement majeur, quand d'autres sagas comme Olangar laissent entrevoir, Dieu merci, l'espoir de systèmes politiques et économiques un peu plus justes.
Bref, le tome / fausse intégrale n°2 du Trône de Fer est à la hauteur du précédent en terme d'intrigues, de réflexions et de suspense. Reste qu'il y manque ce qui m'y avait initialement séduit : un peu d'humanité dans toute cette noirceur. Allez le lire quand même, parce qu'après tout c'est pour votre culture ; moi, j'ai eu ma dose de Martin pour un petit moment.
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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