Les gendarmes et les soldats ottomans avaient séparé les villages en plusieurs convois, pour éviter que les caravanes soient trop importantes et puissent résister. Il ne devait pas y avoir de prise de conscience des condamnés. Les victimes devaient passer de l’hébétude à la résignation, sans pouvoir se battre
Mes grands-parents ont vécu les massacres, ils ont perdu leur famille et leur terre et ont été déportés. Malgré eux, ils ont transmis la peur à leurs enfants. La peur de la barbarie, du bourreau, du Turc avec lequel on ne pourra plus parler. Dans la diaspora, deux générations après, c’est devenu une peur collective
Nous redécouvrons notre histoire. Pour vous raconter la mienne, il faut aller dans la ville de Lice, à quatre-vingt-dix kilomètres de Diyarbakir. Je suis né là en 1961. Dans une famille kurde musulmane. J’étais kurde et musulman comme mes quatre frères. Mais à l’école, je me faisais parfois insulter : Infidèle ! Chien d’Arménien ! J’étais enfant, ça ne me touchait pas vraiment. Jusqu’au jour où des anciens nous ont parlé, à mes frères et à moi. Ils nous ont raconté que notre père n’était pas kurde. J’avais vingt-quatre ans. Mon père ne nous avait jamais rien dit. J’étais bouleversé. Quatre ou cinq familles se sont ainsi découvert des parents arméniens. On se croisait au café, sur le marché, et on se disait : Il aurait mieux valu ne rien savoir !
Je sais tant de choses. Les cartes, les livres… Au Centre Aram, tant de documents passent entre mes mains. Et pourtant, je ne sais rien sur la réalité. Ce voyage est un grand saut dans le réel
Tu celui, 24 avril 2013. Miran organise la première commémoration publique du Genocide. Par son courage Miran a décomplexé de nombreux arméniens cachés. Cependant, son agitation publique ne fait pas l'unanimité dans une communauté pour qui le silence a toujours été la meilleure protection.