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Critique de Gabylarvaire


Voici en BD une petite claque métaphysique et philosophique, qui fait longuement réfléchir sur le sens de l'humanité et son non-sens d'ailleurs.

Un équipage à bord d'un vaisseau spatial, se voit bizarrement attiré par une planète, malgré les dissuasions du robot humanoïde Ellis. Evidemment, le vaisseau spatial est détruit et le reste de l'équipage, sauvé et amené au rivage par des sortes de pieuvres dauphins, se voit contraint de vivre sur une petite île envahit par les eaux. Et ce n'est pas Robinson Crusoé sur Mars (le coup des patates a déjà été fait), car ils rencontrent d'autres humains à poil, qui parlent très bien leur langue. Les soupçons sont donc assez clairs : n'est-ce pas les descendants d'une vieille colonie ? Nous assisterons à plusieurs tableaux nous amenant aux quatre éléments : certains s'occupent de l'eau, d'autres de la terre, de l'air et du feu, pour accomplir un dessein qui sera expliqué par la suite.

C'est dans ce contexte que nous découvrons un récit très riche en symbolisme et allégorie. Une entité va représenter une autorité oppressante, tandis qu'Ellis, robot humanoïde, sera l'incarnation de la rébellion et de la quête de la liberté. Se dessinent alors, des thèmes profonds sur la nature humaine et la condition de l'individu dans un monde contrôlé. L'un offre la soumission en échange d'une belle vie abondante, stable et sécurisante. le Grand tout, une sorte de divinité cosmique qui gère l'existence de l'être humain, fixant alors le bien commun. Chacun a un rôle à jouer pour la collectivité. Mais ils ressemblent à des automates. Ironiquement, l'autre, le robot humanoïde (ancêtre de l'automate), lui qui a subit le cycle de création évidente (il connaît son créateur), incarne l'autonomie. Il est celui qui va encourager l'être humain à ne pas se soumettre. Pourtant, l'entité va expliquer ses motivations et mettre en garde : « Tu vas remplacer une soumission heureuse par une liberté sauvage ». Dans ce conflit, se reflètent alors les dilemmes éthiques que nous connaissons si bien depuis la Genèse : soumets-toi à Dieu et tu auras le Paradis, libère-toi et tu auras une vie de souffrance. le lecteur est donc contraint de se poser la question : l'être humain peut-il s'autogérer sans souffrir ? Dans toute l'histoire de l'humanité, la religion n'a pas été le seul motif de Guerre : l'argent, le pouvoir, la quête des territoires, les femmes, la quête de la plus grosse bite sont également vecteurs de conflits, poussant inéluctablement la question de savoir, si ce n'est pas l'être humain tout simplement le problème, et que l'entité en s'octroyant le droit de soumettre les êtres humains, ne l'a-t-elle pas fait pour de bonnes raisons ? On se pose donc beaucoup de questions sur la valeur de la liberté par rapport à la sécurité (comme dans Un Bonheur Insoutenable de Ira Levin), et quelles sont les risques d'une autonomie individuelle. On se pose des questions sur les responsabilités de l'individu, sur ses choix, sur ses actions parfois contradictoires, sur la nature humaine, sur son libre-arbitre.

Voilà en gros on se pose beaucoup de questions.

Mais ce n'est pas tout (ce serait trop facile). Car les habitants soumis reflètent, un caractère de barbarie suprême : celui du cannibalisme. Eh oui ! Ainsi donc, on comprend aisément le choix de Ellis, de vouloir libérer les êtres humains. Mais ce n'est pas tout (mais oui oui, c'est une connexion transcendantale des neurones, bruits d'explosions, lumières dans vos yeux aveugles), les conditions de vie d'esclave sont inimaginables et ce travail de zombies répétitifs et « inhumains » à l'infini est insupportable. Mais heureux sont les faibles d'esprit car ils n'ont pas conscience de ce malheur. Seul un groupe qui vivra dans la souffrance s'automutilant pour le reste de leur vie, possède la capacité de ne pas devenir esclave… Ouh la la, voilà que je retourne ma veste, ce qui montre bien la complexité du récit. Une vie d'esclave sécurisante ou une vie libre dans l'automutilation ?

Heureusement Ellis, a trouvé un compromis… Est-ce vraiment bénéfique ? Dès le début, on lui dit : « vous les robots, vous n'avez vraiment aucune poésie. » le fait que ses conseils ne soient pas écoutés et qu'elle est placé dans un rang émotionnel inférieur, montre sa soumission. Elle pourrait profiter de l'occasion pour prendre son indépendance sur cette planète, ou même s'allier à l'entité pour prendre le pouvoir. Or elle est programmée, comme les humains soumis, elle ne peut pas prendre cette décision seule. Pourtant, elle fait un choix (ce qui prouve qu'elle est quand même libre). C'est le personnage ambivalent par excellence. Symboliquement, le robot humanoïde représente l'étape suivant de l'humanité. (L'accès à la technologie n'étant valable qu'au moment où l'Homme avait accès à la connaissance, désertant ainsi la soumission déiste.) Et c'est également le robot qui va libérer l'être humain en état d'esclave : la machine remplaçant le travail rébarbatif de l'ouvrier. Bon ici, Ellis ne remplacera pas l'Homme dans ses ouvrages, cela reste un symbole d'interprêtation personnelle.
Mais le titre sonne alors comme quelque chose d'hermétique, l'Inhumain c'est qui ou c'est quoi ?

Il y aurait d'autre chose à dire notamment sur le partage de la terre entre les animaux et les êtres humains, mais je vous laisse soin de lire cette bande-dessinée pour développer cette autre réflexion.

La beauté du graphisme qui jongle entre une représentation de l'Eden (l'eau bleu magnifique, la terre verte ) et de l'Enfer (L'Air gris et le feu rouge), intensifient le symbolisme de manière très soignée.


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