On avait établi une analogie entre les sciences biologiques et la physique nucléaire, et posé une question : pourquoi attendre la mise au point de l’équivalent biologique de la bombe atomique pour faire quelque chose ? Pourquoi ne pas empêcher cette mise au point ? La biologie représentait une menace pour la société humaine et son évolution, une menace bien plus grande que les armes atomiques. Elle pouvait asservir les hommes, les modifier du tout au tout. Utilisées à tort et à travers, les manipulations génétiques pouvaient placer l’humanité sur une voie menant à l’extinction.
Les scientifiques brillants, qui voulaient repousser les limites des connaissances humaines, s’étaient orientés vers d’autres secteurs, où les restrictions étaient moins sévères, voire inexistantes. Pratiquement, les seuls biologistes qui restaient étaient les techniciens médicaux et les médecins, qui utilisaient les techniques autorisées, les professeurs, dont les élèves les plus prometteurs se tournaient parfois vers d’autres disciplines, et les chercheurs des laboratoires.
Aucun gouvernement ne voulait risquer de perdre ce qui avait été durement acquis au cours des années précédentes, alors que le monde venait non sans mal de retrouver la paix et que les richesses étaient mieux réparties. Aucun gouvernement ne souhaitait modifier radicalement la société. Chacun, semblait-il, voulait en tout cas un peu plus de temps pour réfléchir à ces problèmes.
« Tous les rêveurs sont sujets à la dépression, parfois même suicidaires. Et je t’accorde que, si nous clonions quelqu’un doué d’un talent restreint, on aboutirait peut-être à des gens se copiant inutilement les uns les autres. Mais avec une personne aux talents multiples, comme toi, on pourrait obtenir des individus qui exploiteraient chacun au maximum un de ces talents. »
Nous pouvons considérer le cas des jumeaux monozygotes. Les liens entre ces jumeaux peuvent être forts, mais ils ne fonctionnent certainement pas uniquement en tant qu’entité. Pour ce qui est des autres objections, ma foi, autant dire aux gens de ne pas avoir d’enfants, puisque les enfants ne peuvent donner leur permission avant d’être nés.