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Critique de dcs919


Si [vous êtes] un Homme, vous ne pouvez pas passer à côté de cet ouvrage que pour ma part j'ai mis une quinzaine d'années de conscience politique à découvrir malgré mon intérêt pour la thématique. Merci le système éducatif français...

Quel choc, quelle leçon, quel ode à l'humanité !

De manière précise, factuelle, sans fioritures ni sentiments Primo Levi écrit "ce [qu'il] ne pourrai[t] dire à personne", ce qu'il a vécut au cours de l'année qu'il a passée dans le Lager, Auschwitz.

N'en attendez pas un ouvrage historique, pas de description détaillée de l'horreur des chambres à gaz et du crématorium, Primo Levi ne raconte que ce qu'il a lui-même vécu dans le camps. Et c'est déjà largement suffisant pour tomber dans l'indicible.

Ce que Primo Levi raconte nous fait plonger en plein coeur d'une organisation implacable, d'une machine infernale produit d'une folie meurtrière, dont les organisateurs ont poussé le vice jusqu'à sous-traiter le fonctionnement à des victimes de catégories supérieures, comme en témoigne le fait que Primo Levi raconte que sa rencontre la plus directe avec un SS eut lieu dans les derniers jours juste avant la libération du camp par l'armée soviétique.

Par moments, Primo Levi nous fait presque oublier l'horreur vécue par exemple lorsqu'il analyse avec la distance d'un sociologue l'entreprise de déshumanisation ramenant les prisonniers à ce que l'on pourrait appeler l'état naturel, mus par le seul instinct de survie à l'exclusion de toute notion de bien ou de mal, sans parler évidemment de conventions sociales. Ou encore lorsqu'il décrypte avec la minutie d'un économiste les mécanismes de "l'économie" du camp dans lequel bien que théoriquement tout soit gratuit, en pratique tout se vend et s'achète et dans lequel on investit même pour se procurer des moyens de survie (!) ... avec pour unité monétaire de base, le quart de ration de pain rassis quotidienne ou le litre de soupe.

Puis la douche froide. Comment dit-on "jamais" dans le langage du Lager ? "Demain matin".

Paradoxalement, le chapitre qui m'a le plus marqué est le dernier, celui dans lequel Primo Levi raconte les 10 derniers jours avant la libération du camp par l'armée soviétique, après la fuite des allemands qui ont emmené avec eux les plus valides dont la plupart sont morts en route, laissant à leur sort les malades dont Primo Levi.

L'intensité de cet effort ultime de survie, malades, en plein hiver polonais durant lequel les prisonniers ont commencé à redécouvrir leur humanité est poignant.

Dans l'édition Robert Laffont, commencez par lire l'Appendice avant de vous lancer dans l'ouvrage. Dans cet Appendice, Primo Levi écrit :

"Peut-être que ce qui s'est passé ne peut pas être compris, et même ne doit pas être compris, dans la mesure où comprendre, c'est presque justifier. (...) Si la comprendre est impossible, la connaître est nécessaire, parce que ce qui est arrivé peut recommencer, les consciences peuvent à nouveau être déviées et obscurcies : les nôtres aussi."

"Chaque ancien déporté réagit de façon différente, mais on peut cependant distinguer deux catégories bien définies. Appartient à la première ceux qui refusent d'y retourner ou même d'en parler, ceux qui voudraient oublier sans y parvenir et sont tourmentés par des cauchemars, enfin ceux qui au contraire ont tout oublié, tout refoulé, et ont recommencé à vivre en partant de zéro. J'ai remarqué que ce sont tous en général des individus qui ont échoué au Lager "par accident", c'est à dire sans engagement politique précis ; (...) Dans la seconde catégorie par contre, on trouve les ex-prisonniers politiques, ou des individus qui possèdent, d'une manière ou d'une autre, une éducation politique, une conviction religieuse ou une forte conscience morale. Pour eux, se souvenir est un devoir : eux ne veulent pas oublier, et surtout ne veulent pas que le monde oublie, car ils ont compris que leur expérience avait un sens et que les Lager n'ont pas été un accident, un imprévu de l'Histoire."
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