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Critique de aa67


« Un Rubik's Cube sérieusement mélangé ».

Poignant premier roman pour une jeune femme donc l'enfance a été ‘'floutée'' par un père en silencieuse souffrance. Elle s'est emparée de thèmes certes connus et épistolairement nombreux, mais elle m'a happée par une écriture structurée et une juste mesure prise avec l'histoire de sa famille.

Marie de Lattre avait quatre grands-parents du côté de Jacques, son père. Les vrais et les adoptifs. Quatre prénoms aux consonances différentes : Frida, Kogan, Madeleine et Pierre. Au bout de quelques temps elle a ressenti le besoin de s'emparer de cette filiation, de rompre un silence devenu trop lourd pour elle aussi. Il a fallu qu'elle se lance dans une authentique enquête jusqu'à trahir des secrets.
Le mal était palpable et son père n'avait pas tout connu, tout su de sa propre histoire familiale. le manque était étourdissant pour lui, puis l'ai devenu tout autant pour l'autrice.

Elle retourne jusqu'à ses six ans, lorsqu'elle vivait à Paris dans le 14ème arrondissement. Elle avancera ensuite de lieu en lieu, essayant de rompre les silences et les interdits sous-jacents. Elle vivra intensément certaines découvertes à l'image du bouleversement vécu lorsqu'elle a entendu le choeur des hommes chantant le Kaddish.
L'autrice vit les choses à fleur de peau, sait les transcrire sans larmoiement, comme si elle n'était qu'une observatrice. J'en ai cependant palpé tout le côté saisissant et déchirant, toute la tragédie pour une fille dont les deux générations précédentes ont tant souffert. La première génération a souffert physiquement - déportation, pas de tombe -, la seconde car elle s'est sentie trahie de ne pas savoir, en état de manque permanent mais sans savoir de quoi.

L'équilibre psychique de l'autrice, si j'ose porter un jugement, lui a permis de sortir de ce puit noir et de donner à ses filles, sa famille, une stabilité et des racines. Comme le disent certains grands et anciens psychologues, ‘'il faut que la 3ème génération sorte du problème familial. Qu'elle le résolve pour que la spirale infernale soit interrompue''. En repensant à cela, je me suis dit que Marie de Lattre avait su le faire. En la lisant j'ai pu le partager avec elle, mesurer son chemin et l'admirer.

Citations :
« L'écriture de ses pages fut longue. Elle a cheminé en moi pendant deux décennies. … Aujourd'hui'hui j'en sais davantage que lui ( elle parle de son père) sur sa propre histoire. Je suis la mémoire de son enfance. »
« Je devinai, sans même le regarder, la tête basse de mon père, ses larmes dans son assiette, et je sus que c'était aussi ces absents-là qu'il pleurait, et qu'avec la mort de Pierre ils étaient revenus l'habiter. »
« Nous étions sa famille, mais une famille bricolée, imposée par l'histoire et entérinée avec les années. »
« J'ai trois prénoms, Marie, Madeleine, Frida. Un qui dissimule. Un qui protège. Un qui révèle. »
« Alors Julien m'a prise dans ses bras et m'a portée pour que les touche. Il m'a soulevée sans un mot et il a fait le pont entre mes morts et moi. J'ai retiré mon gant et j'ai pu toucher la pierre, le creux de leurs noms gravés dedans. C'était avant la naissance de mes filles. Mais j'ai su à ce moment-là, avec gratitude, que nous serions une famille. Et qu'avec nous, à travers nos enfants, éclateraient à nouveaux leurs voix. »
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