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Critique de LiliGalipette


Essai en bande dessinée d'Eva Kirilof. Dessins de Mathilde Lemiesle.

« Les représentations façonnent la société et nourrissent nos imaginaires collectifs, elles ont donc une dimension politique non négligeable, elles ont du pouvoir. La fonction de l'image est primordiale dans la fabrique du regard que nous posons sur nous-mêmes et sur le monde qui nous entoure. » (p. 12) Ce présupposé est simple, évident, fondamental. de fait, comment une femme (et toute autre minorité) peut se construire si elle n'a pour représentations que des oeuvres produites par des hommes blancs et cisgenres ? D'autant plus si ces productions véhiculent et renforcent le male gaze ? « La culture est un lieu de négociation du pouvoir : réduire constamment des femmes à des corps n'a rien n'anodin. » (p. 25)

L'autrice retrace plusieurs siècles de production artistique pour montrer le manque des femmes – artistes ou représentées – en la matière, ou alors marginale, mais aussi le manque de moyens, de temps et d'espace, de disponibilité d'esprit. Elle dénonce l'organisation tacite d'une société qui refuse une place aux êtres qui ne sont pas des hommes et elle démonte allégrement le mythe du génie masculin. « Dire que le talent suffit est un mensonge. Les discriminations systémiques prennent plein de formes très différentes : trop noir(e), trop pauvre, trop femme, trop queer, trop handicapé(e), pas assez blanc riche homme. » (p. 210) Eva Kirilof présente aussi le lent cheminement des femmes dans le monde des arts, souvent à force de renoncements et de sacrifices, mais aussi à base d'habiles contournements et retournements. Si le mur est trop haut, elles passeront dessous ou à côté, ou elles peindront dessus ! « L'espace domestique, même si on n'y possédait pas toujours une chambre à soi, aura permis à de nombreuses femmes de produire du savoir et de l'art alors que les autres portes leur étaient fermées. » (p. 132)

Je ne vais pas résumer les quelque 300 pages de cet essai passionnant, bourré de références et d'exemples. En revanche, je vais vous donner des noms d'artistes femmes et vous inviter à découvrir leur oeuvre et leur vie. Vous n'avez peut-être jamais entendu parler de certaines d'entre elles, et il faut que ça change !
Artemisia Gentileschi Sofonisba Anguissola Élisabeth Vigée le Brun Adélaïde Labelle-Guiard Niki de Saint-Phalle Mary Beale Berthe Morizot Louise Bourgeois Laura Knight Tamara de Lempicka Suzanne Valadon Helma Af Klint Janet Sobel Joséphine Hopper Joanna Hiffernan Georgia O'Keeffe Helen Frankenthaler Kara Walker

Le message de cet essai est plein d'optimisme. « Les femmes et les personnes minorisées prendront pleinement part à la construction de nos imaginaires, sans que cela soit une exception ou un événement. » (p. 19) Cela demande encore des efforts et probablement du temps, mais à force de contextualisation, il est possible de faire dialoguer autrement les oeuvres et la société actuelle. Et il est surtout possible – et de toute façon indispensable – d'en finir avec les injonctions sexistes. Une femme artiste est artiste, c'est tout. « Bref, on préfère quand les femmes font des oeuvres plus douces, plus pastel, plus sucrées... comme elles... » (p. 258) Allez, c'est bon, on arrête avec ça : c'est comme le vin féminin, c'est de la connerie !

Ce beau volume aux dessins noirs, bleus et rouges prend évidemment place sur mon étagère féministe. Il est riche de messages positifs et de mises en garde utile. « Les 'femmes artistes' ne sont pas un groupe homogène, loin de là ! Il est important de ne pas les traiter comme tel, au risque de finalement continuer à les effacer. » (p. 139) Il ne sera jamais inutile de rappeler que « la femme » est un concept qui n'existe pas. Nous sommes plurielles et nous sommes légion !
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