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Critique de afriqueah




Grand reporter polonais Ryszard Kapuscinski, auteur du très connu Ebène, visite pour le compte de son journal certains pays africains. Après avoir vu en personne Nkrumah, Lumumba dans leurs meetings, il nous donne une idée de certains pays africains de 1960 à 1974, au moment des indépendances.
Il nous régale des débats de la Chambre législative du Tanganyika (aujourd'hui Tanzanie) de décembre 1963.
La député Lucy Lameck, vice ministre des Coopératives, grande dame féministe et humaniste, présente un projet : que, vu les changements opérés dans la société et ses nouveaux problèmes concernant la population urbaine notamment, une loi aidant les filles- mères et rendant obligatoire les pensions alimentaires pour les enfants naturels devient nécessaire.
1- réaction du député Mobgo: La loi sur les pensions alimentaires entrainerait une augmentation générale de la prostitution, à seule fin de payer produits de beauté « ces jeunes filles seraient comme des pays en voie de développement : elles feraient l'objet d'investissements ».
2- réaction du député Akindu : danger, car les jeunes filles enceintes pourraient prétendre que les pères de ces enfants naturels sont des ministres ou des députés. Et d'ailleurs, ajoute-il, « si vous n'arrivez pas à maitriser vos instincts, mariez –vous au plus vite »
3- Réaction du député Wambura : Les femmes africaines ont toujours eu beaucoup d'hommes, il serait difficile de déterminer lequel est le père. Et, par ailleurs, les chômeurs peuvent faire des enfants mais ne pourront pas payer de pension alimentaire.
4- Justement, dit un autre, la production d'enfants deviendra en toute impunité le travail des chômeurs.
5- Réaction du député Mfundo : en Afrique, la différence entre enfants légitimes et naturels n'a jamais existé, elle a été inculquée par le colonialisme.
6- Réaction de la députée lady Chesman, qui se prononce pour l'adoption de la loi :elle évitera la construction d'orphelinats et permettra de consacrer plus de fonds aux trois fléaux du Tanganyika : l'obscurantisme, la pauvreté et les maladies.
7- Réaction du député Mtapi : la loi aurait de fâcheuses conséquences sur la criminalité, les hommes préférant tuer leurs enfants naturels au lieu de payer pour eux.
8- Réaction du député Mello : seuls les hommes mariés devraient être, en tout état de cause, astreint à ce paiement malheureux, les célibataires seraient, sinon, obligés de se marier malencontreusement.
9- Réaction du député Kawawa. Apprendre aux femmes comment éviter une grossesse ne ferait qu'inciter les hommes à des pratiques immorales.

Tous étant d'accord sur le fait que la loi provoquerait une baisse de la moralité, l'adoption du projet a été rejeté, cependant une commission de cinq personnes a été réunie afin de revoir le projet de loi.

Kapuscinsky analyse aussi l'Afrique du Sud de 1965: les Afrikaners, occupant l'administration, l'armée, la police, le Parlement et l'église, bien que d'origine européenne ( hollandaise) ne se veulent pas européens : ils ne sont qu'une minorité, cependant leur fanatisme religieux de leur foi protestante, ne s'améliore pas lorsque l'or et les diamants furent découverts sur « leur terre ».
Ils se sont heurtés aux tribus bantoues qui se trouvaient au milieu du XIX siècle au sommet de leur puissance, guerres sur guerres ont opposés les premiers occupants bantous et les Afrikaners. Ils se heurtent aussi plus tard aux Anglais qui n'ont rien à voir avec eux, car, selon l'auteur, la plupart des Afrikaners sont issus de paysans hollandais primitifs « cette relique vivante de l'Europe féodale fossilisée dans le désert ». Lorsque le gouvernement anglais abolit l'esclavage en 1836, c'en est trop pour les Afrikaners : ils fuient avec leurs esclaves dans un « grand Trek ».

Curieusement, Kapuscinsky ne parle pas de Mandela, emprisonné en 1962 pour 27 ans. Il ne parle pas de Nkrumah, premier président du Ghana, renversé par contumace en 1966, ni de l'assassinat au Katanga de Patrice Lumumba, en 1972, malgré ce qu'affirme la quatrième de couverture ( ou bien ai-je mal lu ?)

Bien que ne parlant que de qu'il a vu, de ses yeux vus, et donc rien de ce que nous, nous savons 60 ans après, le titre même montre que l'auteur n'est pas très optimiste quant à l'avenir de l ‘Afrique, en particulier en Ethiopie « Il n'y aura pas de paradis ». le sous titre « guerre du foot » entre le Salvador et le Honduras, est développé en 45 pages : les combattants ne savent même pas pourquoi ils se battent, bilan 20 000 morts, pas plus positif.
Enfin, avec un graphisme différent, les pensées personnelles de l'auteur, ses maladies, les menaces de mort lorsqu'il entre en fraude dans un pays en guerre, sa déception, sa morsure par un scorpion, ponctuent les reportages de guerre. Et, aussi, ce qui sauve entièrement ces pochades réelles sur son vécu, un peu égocentrées, le : pourquoi ai-je fait ça ? Oui, pourquoi ?
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