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Critique de Elsaumon


L'ouvrage de Denis Kambouchner Une école contre l'autre constitue un sérieux regard porté
sur l'institution scolaire. Quoiqu'un peu daté, puisque paru en 2000, les thèses et les arguments qui
sont proposés dans ce livre n'ont pas cessé d'être pertinents en raison d'un déclin toujours continu du
niveau scolaire et du mal-être entourant l'école française aujourd'hui. Tout le propos de ce livre est
de faire le constat et de tenter de solutionner la crise que subit actuellement l'institution scolaire.
Comme se le demande l'auteur lui-même, « comment la crise qui affecte depuis maintenant
plusieurs décennies le modèle français de l'école pourra-t-elle trouver une issue positive ? »1.
Dans cette entreprise, on peut rappeler que les discussions portant sur l'école ont
généralement été captées par un débat séculaire qui opposa républicains et pédagogues. Les
républicains développent une thèse faisant du professeur un maître ayant une autorité naturelle et
légitime sur son auditoire, autorité conférée par son savoir et par la position dominante de
l'enseignant sur l'apprenant. Ces défenseurs de l'ordre et de la tradition défendent également une
certaine idée de la culture comme ensemble de valeurs et de symboles qu'il est nécessaire de
maîtriser pour circuler dans la société. Critiquant la dévalorisation de la culture par les pédagogues
au profit d'une culture technique, tournée vers le concret, les républicains défendent l'idéal d'une culture qui se perd, notamment avec la fermeture des classes de latin et de grec en collègue par la
ministre du gouvernement Hollande. A rebours des républicains, les pédagogues soutiennent l'idée
d'un progressisme dans la façon d'enseigner aux élèves. Pour cela, deux règles vont être proposées :
il faut « apprendre à apprendre », c'est-à-dire accompagner l'élève dans ses découvertes, et non plus
lui imposer un savoir de façon autoritaire ; il faut replacer l'élève au centre de l'enseignement et non
plus le professeur. Se situant plutôt du côté des républicains, Kambouchner nous explique à
plusieurs reprises qu'il souhaite se démarquer de ces oppositions, sortir de ce débat. Chaque camp
développe un argumentaire qui ne prend forme qu'en s'opposant à celui de son voisin. Cela donne
des positions tranchées rarement judicieuses et souvent vaines car irréalistes. Chacun des deux
camps a donc tendance à oublier le principe de responsabilité défendu par Weber selon lequel il faut
prendre la mesure des enjeux pratiques d'une proposition politique2. Il est donc utile de s'éloigner de
ces positions tranchées en prenant du recul sur ce débat. On peut dire que d'une certaine manière,
tout en contestant la vision passéiste d'une branche républicaine regrettant l'âge d'or d'une certaine
école à laquelle il faudrait revenir, Kambouchner développe une position conservatrice relativement
souple. Il propose en effet quelques innovations en matière d'organisation du temps scolaire, mais il
reste conservateur en regard de la mission globale que doit assurer l'école et de certains concepts
clés qui entourent son organisation. Nous verrons laquelle elle doit être et quels sont ils.
Cela nous conduit à exposer la méthode mise en oeuvre par l'auteur. Kanbouchner entend
faire une critique philosophique de l'école à partir d'une analyse de plusieurs catégories qui lui sont
associées. Il s'agit pour lui de retrouver la mission première de l'école en critiquant la façon dont ces
catégories ont été galvaudées, notamment par les pédagogues. L'enjeu étant en toute fin de proposer
une rénovation du système scolaire, tout en gardant à l'esprit qu'il ne faudra pas tout casser pour
ensuite reconstruire une nouvelle école. A ce titre, on aurait pu ajouter un point d'intergoation à la
formule « une école contre l'autre », soulignant par là la volonté de l'auteur de proposer un
renouvellement à partir d'une base déjà formée. On doit donc comprendre ce titre comme
l'exposition du débat entre républicain et pédagogue, chacun construisant les plans d'une école
contre l'autre.
En somme plutôt que d'ajouter une voix de plus à ce débat de sourds (entre enseignants,
politiques, parents, pédagogues, etc.), il propose de jauger la valeur des arguments proposés dans
chaque camp afin de faire ressortir une position solide grâce au dépassement des oppositions.
La structure de l'ouvrage est assez étonnante. Car si l'auteur souhaite dépasser les oppositions, il n'en demeure pas moins que l'ensemble de son texte consiste en un réquisitoire
contre la pensée de Meirieu, présenté comme le grand représentant du courant des pédagogues. Je
dis curieux pour deux raisons. D'une part, la volonté de dépasser les oppositions parait être
fragilisée par cette démarche consistant à faire d'un auteur son ennemi et de construire sa réflexion
en opposition à ce dernier. On verra toutefois que Kambouchner n'est pas aussi radical envers
Meirieu et le courant des pédagogues que les républicains classiques. Il fait davantage figure de
républicain souple, nous semble-t-il, et écrit à ce propos dès le début de son livre que « Meirieu
n'écrit rien qui puisse être jugé absurde ou faux du début à la fin »3. D'autre part, la valeur novatrice
de ce discours semble être renvoyée à l'intérêt seul d'un commentaire critique des textes de Meirieu.
Il nous faudra alors dégager les enjeux véritablement pratiques qui sont proposés dans ce livre.
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