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Critique de Sofiert


L'expérience de la métempsycose est peu exploitée dans la littérature, alors qu'elle fut esquissée dans la littérature fantastique du 19eS avec Maupassant ou Nerval. le thème de la transmigration d'un esprit ( on parlait autrefois de l'âme), dans un autre corps, qu'il soit humain ou animal, est pourtant riche de possibilités.
Que ce soit par la réincarnation ou la conséquence d'un coup malicieux du destin, cette croyance se fonde sur la possibilité d'habiter un corps différent, soit après la mort, soit au cours d'une expérience de type chamanique ou autre caprice de l'imagination.

Yu-jeong Jeong imagine la transmutation entre une jeune soigneuse de chimpanzés et une jeune femelle bonobo suite à un grave accident de la route. Lee-Jin yi tenait Jin sur ses genoux lorsque l'accident s'est produit et alors qu'elles étaient toutes les deux projetées à travers le pare- brise, une étrange fusion s'est opérée. On imagine que consciemment ou non, la proximité physique, la proximité des prénoms, la proximité de genre ont permis à l' auteure d'envisager ce transfert.
On ignore à vrai dire s'il s'agit réellement d'un transfert puisque la jeune femme est dans un coma profond, entre la vie et la mort. Cela importe peu, puisque les expériences s'enchaînent dans le corps de la primate où cohabitent successivement les deux intelligences.
Mais Lee-Jin yi veut récupérer son corps, d'autant plus lorsqu'elle découvre que la fusion totale se précipite et qu'elle est condamnée à disparaître en tant qu'individu.

Au-delà du récit fantastique et de la légère touche philosophique, l'auteure propose aussi une réflexion sur les relations de l'homme et de l'animal avec la condamnation sans appel du traffic d'animaux. On apprend ainsi l'infâme pourcentage de perte admis sans état d'âme pour satisfaire la lubie d'un unique individu.
"Les animaux sauvages supportent mal ces conditions de vie restrictive pendant un aussi long voyage et ne sont pas habitués à vivre hors de leur jungle. Les trafiquants prévoient donc une grosse marge de pertes et organisent en général le transport de plus d'une dizaine d'individus. Cela revient à dire que neuf bonobos doivent être sacrifiés pour qu'un seul parvienne à son acheteur."
La définition de la civilisation devient toute relative face aux comportements humains, d'autant plus que l'auteure a choisi le bonobo parce qu'il partage 99% du patrimoine génétique humain et que, malgré cette proximité, sa survie est menacée.
" Je me sens tellement misérable que je n'ose même pas dire à Jin combien je suis désolée. J'ai honte d'être une représentante du genre homo sapiens, ces êtres soi-disant civilisés qui ont arraché Jin à sa jungle, l'ont expédiée à l'autre bout de la planète et la brutalisent parce qu'elle n'arrive pas à bien les imiter."

Enfin, on ne peut ignorer la troisième voix du roman, celle de Minju qui incarne le raté de la société coréenne mais qui sera le seul à accompagner Lee-Jin. Dans une société ultracompetitive, il représente l'échec alors même qu'il a accompli le parcours normé en menant des études supérieures. Mais cette société méprise ceux qui sont en bas de l'échelle ou ne sont pas à la hauteur des ambitions de la famille. Ce trentenaire qui peine à trouver sa voie est régulièrement humilié par sa propre famille, responsable de sa clochardisation.
En portant un regard critique sur le fonctionnement de son pays, Yu-jeong Jeong s'intègre à cette génération qui commence à remettre en question des comportements très hiérarchisés.
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