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Critique de BillDOE


Une auberge perdue au sommet d'une montagne dans les Alpes autrichiennes. Cela pourrait faire penser à « La montagne magique » de Thomas Mann. Les gens entrent et sortent, vont et viennent à la façon d'un hall de gare dont aucun train n'arriverait jamais, ni ne repartirait, des gens qui vivent et qui meurent, qui sont en vie ou qui sont déjà morts. C'est une porte, passage entre la vie et la mort, la réalité et le rêve. Gudrun Bichler étudiante s'est suicidée en s'ouvrant les veines dans sa baignoire. Edgar Gstranz a raté un virage au volant de son bolide et s'est tué. Karin Frenzel, veuve, est entièrement soumise, dévouée corps et âme à sa mère. Elle périra en percutant avec son véhicule un autocar rempli de touristes hollandais. Trois personnages qui franchissent allègrement la porte, errant entre deux mondes au travers desquels ils n'ont pas conscience de l'instantanéité des évènements auxquels ils sont confrontés.
« Enfants des morts » est une non-histoire où l'auteur a effacé tout repère spatiotemporel. Elle ne fait référence à aucune date ni à aucun lieu précis. L'action pourrait se dérouler n'importe quand et n'importe où et d'ailleurs on ne sait si les protagonistes évoluent ante ou post mortem. Ils sont les morts-vivants qui hantent le cerveau génial de Jelinek.
On retrouve les thèmes récurant à l'oeuvre de Jelinek, le rapport de force entre une mère totalitaire et sa fille, l'agoraphobie de l'auteur, sa peur clinique de la foule au point de transformer cette masse gluante de gens en morts-vivants hostiles et belliqueux, le sexe, sous la forme d'une guerre des corps dans des descriptions scientifiquement précises et dénuées de tout sentimentalisme. L'amour n'est pas une émotion naturelle pour Jelinek. Il y a aussi de multiples allusions au IIIe Reich, au nazisme et aux camps de concentration, Jelinek aime à appeler l'Autriche, son pays natal, Hitlerland.
Le style est dans la continuité de « Lust », entre écriture automatique et cut-up (technique littéraire élaborée par William Burroughs consistant à créer un texte à partir de fragments de textes d'origines diverses(source Wikipédia)). Ici, l'auteur couche sur papier les idées qui lui viennent, les mots, les impressions, ses névroses, sans soucis d'ordonnancement, ni de sens.
Elle écrit par exemple : « Les dépouilles mortelles d'oiseaux sont, grattées par des dents de métal qui leur écarte les pattes, sous les ricanements des rondelles de tomates et de concombres, s'y cacher pour mourir, ombrées de feuilles de salade perlées d'eau dans lesquelles se reflètent des yeux humains facétieux, balancées sur les tables. Aujourd'hui poulet pané maison. »
Il est donc très compliqué pour le lecteur de la suivre dans ses errements. Il reste cette atmosphère sourde, cette ambiance d'hôpital psychiatrique, où une tension règne dans les couloirs aseptisés, clairsemés de malades mentaux sur la ligne de départ d'une nouvelle crise d'angoisse, d'épilepsie, de schizophrénie…
Même s'il y a une indéniable musicalité dans la prose de Jelinek et que l'on peut tout à fait accepter que son oeuvre frise le génie, la lecture de « Enfants des morts » est un calvaire !
Une question subsiste : pourquoi ?
Traduction de Olivier le Lay.
Editions du Seuil, Points, 694 pages.
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