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Critique de isa-vp


Qui sont ces monstres dont Philippe Jaenada nous parle dans cet essai sur l'Affaire du meurtre du petit Luc Taron en mai 1964 ?
Est-ce Lucien Léger, qui s'est présenté comme l'Etrangleur et a revendiqué l'enlèvement du garçon de onze ans par 56 lettres envoyées à la presse ? Non lui, l'apprenti-infirmier, amoureux de la déchirante Solange, sa femme malade, a beau se décrire comme « de la graine qui pousse au printemps des monstres », il n'est pour l'auteur qu'un fou idéaliste, amateur de poésie et de musique.
Alors ce sont peut-être ceux qui ont négligé l'enquête policière et empêché le procès en révision de Léger, le maintenant 41 ans en prison sans jamais tenir compte de ses dénégations ? Il faut dire que l'auteur ne les épargne pas, des juges d'instruction aux avocats en passant par les policiers, tous ceux qui sont intervenus dans l'enquête puis dans le procès, en prennent pour leur grade et bien plus encore. Même ses collègues, les journalistes de presse au coeur de l'incroyable médiatisation de l'affaire, n'échappent pas à ses accusations.
Ou bien les vrais monstres, ne sont-ils pas plutôt tous ces menteurs qu'a fréquentés ce jeune illuminé qui s'est accusé du meurtre pendant 40 jours puis l'a réfuté pendant 40 ans ? Ces faux-amis, ces anciens collabos, ces militants d'extrême droite, pervers et immoraux qui ont manipulé un jeune homme crédule, obsédé par le respect de la parole donné.
Mais alors, puisque tout le monde avance masqué dans cette affaire, qui a tué cet enfant ?
En opposition à la gravité du sujet, l'humour de Jaenada est un régal et ses saillies incisives, comme ses apartés jubilatoires, n'ont rien à envier à un Desproges ou un Audiard.
Toute la société de l'après-guerre jusqu'aux années soixante-dix est décortiquée par l'auteur et si ce livre constitue une minutieuse enquête sur « un des faits divers les plus mystérieux du XXème siècle », il est également une fantastique peinture sociale d'une France qui se relève de la barbarie, dans la douleur parfois, dans la misère souvent.
Malgré ses 750 pages et de furtives sensations que je n'arriverai jamais au bout, pas une ligne, pas un mot n'a échappé à ma lecture captivée et enthousiaste.
Ce récit passionnant m'a tenue en haleine des jours durant, avec à la fois des larmes dans les yeux et le sourire aux lèvres et il restera un moment mémorable de ma vie de lectrice.
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