AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Encretplume


« Ô merveille ! combien d'excellentes créatures sont ici et là encore ! Que le genre humain est beau ! Ô glorieux nouveau monde, qui contient de pareils habitants ! »
(Acte V, scène I, La Tempête de Shakespeare a inspiré le titre de cette oeuvre)

L'histoire se déroule dans l'Angleterre du XXVIème siècle, dans une ambiance dystopique. L'impression de lire une pièce de théâtre, avec tantôt la silhouette d'une satire, tantôt celle d'une tragédie vient donc de cela…Pouvant être caractérisée aussi d'un récit utopique, mais surtout d'une utopie ironique, qui m'a fait parfois sourire, esquissant dans mon esprit l'image des excès de notre société actuelle. C'est une lecture effrayante par moments, étonnamment passionnante par d'autres, et surtout : questionnante.
Si vous aussi comme moi, avez été tenté de refermer le livre au cours de ses premiers chapitres, un conseil : continuez. L'effroi que génère cette société imaginaire chez les lecteurs est presque un sentiment de self-défense de notre cerveau, qui a du mal à s'imaginer les détails de ce qui est dépeint : une société eugéniste, où la reproduction est totalement gérée par l'Etat (sans l'humain dans la chaine), déshumanisée, stratifiée dès les premiers moments de fécondation en laboratoire grâce au conditionnement protocolaire selon l'échelle sociale visée, au Centre d'Incubation et de Conditionnement de Londres-Central, où « on appartient à tout le monde » et à tous les niveaux. Une société qui est « libérée » de toute contrainte, dénuée de morale et d'éthique, orchestrée par le grand Ford et ses collaborateurs selon la devise de l'Etat mondial : Communauté, Identité, Stabilité. Une liberté de façade donc, et sans risque d'effondrement grâce aux capacités critiques inexistantes chez son peuple. Rien du monde tel que nous le connaissons, appelé « l'ancien monde », sinon des livres et autres documents historiques enfermés à double tour et interdits d'accès, comme les livres sacrés, car aucune place à la « religion » jugée déshonorante, seulement à celle dictée par le grand Ford dont on ne connaît pas grand chose, une dictature insufflée dans la psyché de tous, qui passe crème grâce au système établi, et accepté de tous. L'art de créer et de gérer le mépris social le veut ainsi : pas de place aux questions existentielles, il faut se contenter de vivre, de consommer et d'exécuter tout ce qui a été inculqué dès les premiers jours de vie, et même durant le sommeil grâce à des procédés hypnopédiques. Une société « endormie » dans tous les sens du terme, car pour faire « passer la pilule » l'Etat drogue le peuple au « soma », pour lequel les basses strates sociales doivent travailler sans relâche tandis que les plus aisés y ont facilement accès…

C'est donc un tableau sociétal qui pourrait ouvrir un débat pluri et transsectoriel, notamment sociologique, qui se cache derrière cet ouvrage. Aldous Huxley dresse le portrait d'un monde qui pourrait rappeler certains aspects du nôtre, touchant au corps social, à la façon de « faire corps », et aux risques d'une société dénuée de l'esprit critique démocratique, mais aussi et surtout d'une éthique, d'une vraie éthique et non d'un « window-dressing », comme on peut le voir parfois dans certains procédés de gestion surfant sur des mots-valise pour une fausse image de bienfaisance et de responsabilité sociale. Je retiens de cette lecture deux choses, Aldous Huxley était un génie, et l'esprit critique est un garde-fou sociétal.
Commenter  J’apprécie          90



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}