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Critique de loeil_de_poups


L'histoire de "Notre-Dame de Paris" est connue de tous ; ses personnages caracolent dans nos esprits, hantèrent notre enfance et bercent toujours notre imaginaire : la douce, élégante, timide et fougueuse Esmeralda ; le bossu, sourd, solitaire et incompris Quasimodo ; l'archidiacre, savant, alchimiste, fou ou juste dévoré par la brûlure de la passion Claude Frollo ; sans oublier ces histoires terribles, ces hommes et ces femmes en parallèle, Pierre Gringoire, Phoebus, Gudule, le roi, et tant d'autres. Et dans tout cela, Paris, sa beauté, sa vie, son effusion ; en son coeur, la Cité ; son poumon : la cathédrale.

Le manuscrit original, de la main de Victor Hugo, fut rédigé entre le 25 juillet 1830 et le 15 janvier 1831 ; les modifications et les chapitres incorporés au texte plus tard ne m'empêchent pas d'être absolument émerveillé par ce détail : ce chef-d'oeuvre, à la prose incomparable de richesse, fut écrit en six mois, à peine. Imaginons Rembrandt peindre en six jours, Kubrick faire un film en six mois : c'est envisageable, mais cela relève du prodige.

Sur l'intrigue, tout a été dit. II y a dans "Notre-Dame" tout pour faire un grand livre : l'Amour, la religion, la science, la haine, la fatalité (sublime et profondément mystérieuse Ἀνάγκη), L Histoire, la société. Qui d'autre que Victor Hugo, figure parmi les figures d'une littérature à la fois brillante, "classique" et populaire, "accessible", pour écrire pareille histoire ?

Car, admettons le, "Notre-Dame de Paris" n'est pas qu'une belle histoire tissée de noeuds qui se resserrent sur les personnages, voués à périr sous le sceau de la tragédie. C'est bien plus que cela : c'est d'abord un langage riche, complexe, débordant de métaphores et de figures de style qu'on ne se lasse pas de lire et de relire ; ce sont ensuite des dialogues du passé, retranscrits avec emphase, qui percutent et tétanisent ; ce sont encore des larmes versées sur les pages de description de Paris ; ce sont, enfin, des vies qui s'égrennent, se font et se défont, dans un paysage lointain, une histoire du XVe siècle, qui n'est pourtant pas sans permettre à Hugo de placer, au gré de ses pérégrinations intellectuelles, sa philosophie et sa vision de l'époque à laquelle il écrit.

Roman social ? Peut-être pas autant que "Les Misérables", car moins ancré dans l'époque, mais implicitement, comment ne pas reconnaître la force politique de cette oeuvre ! Roman historique ? Bien sûr ; mais pas uniquement. Roman sentimental ? Si c'est le rabaisser, non ; mais il est clair que l'amour fait partie intégrante de l'intrigue.

Dans tous les cas, il est une chose que je voulais dire de "Notre-Dame de Paris", une chose à retenir : ce roman est bouleversant, non seulement pour ce qu'il dit, mais surtout pour la façon dont il le dit. Hugo est un poète élégant ; mais son talent de romancier dépasse ses talents pour la rime. Chaque mot est pesé, chaque phrase est étudiée, chaque sens est retenu. En vérité, rares sont les écrivains qui peuvent s'enorgueillir de posséder une connaissance aussi dense et colorée de la langue française. Qui peut se targuer de comparer l'Amour à un arbre ? Qui peut se permettre de noircir des pages entières sur la dichotomie entre architecture et imprimerie comme empreintes des siècles et des peuples ? Qui peut se targuer de connaître le français aussi bien que Hugo ? Personne. Hugo est unique. Sa prose l'est tout autant. Et "Notre-Dame de Paris", comme son effigie, est un modèle, un mastodonte, un chef-d'oeuvre populaire, une icône.
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