Après avoir dévoré tout en les savourant les quatre premiers tomes de la saga des Cazalet, en quelques semaines, j'ai attendu patiemment la publication de la traduction du dernier volume. Enfin, est-il arrivé. Comme il est noté partout, nous retrouvons, ou, nous renouons avec cette grande famille, élargie puisque divorces et veuvages ont généré des remariages et conséquemment des naissances.
Et ils sont tous installés plus ou moins confortablement au milieu de l'année 1956, et nous les quitterons définitivement en 1958.
Que dire ? Sachant qu'il s'est ainsi écoulé dix ans dans cette histoire, mais vingt ans pour leur créatrice, et qu'alors, celle-ci a quatre-vingt-dix ans.
Je livre donc ici très humblement des impressions.
L'écriture est toujours agréable, riche sans être lourde, habile pour varier selon les émotions qui devront vibrer chez le lecteur. Humour, ironie, dérision, drame, mélodrame, cynisme, empathie, antipathie, et j'en oublie. Tout pour donner et faire conserver l'envie de lire et de poursuivre encore la lecture.
La richesse des dialogues que j'avais soulignée précédemment, notamment et principalement, chez les enfants s'est amoindrie. Pour au moins deux raisons, la première est que les enfants à mettre en scène sont moins présents et moins identifiés (cartographiés pourrait être le mot), et en contrecoup, les dialogues sont moins développés. J'ai retrouvé la verve mais de façon trop limitée.
Ma déception, car si vous lisez la chronique depuis son début, il y a déception, vient de la structure de ce tome. La très grande première partie du roman est une présentation parcellaire, émiettée, les uns ou unes après les autres, des personnages que l'on a connus, un par un, une par une. J'ai eu une impression de catalogue : on les reprend un par un, une par une, et quelques pages, parfois tout juste deux pages, pour les mettre en scène.
Pourtant le départ de ce cinquième tome permettait un rassemblement familial autour des funérailles de la mère et grand-mère et même arrière grand-mère, à Home Place, sa propriété, celle qui avait flamboyé avant la guerre et tout au début de l'oeuvre. Ce départ a été un peu raté puisque, lecteur, je me suis sentie éparpillée entre la multitude des intervenants. La fin du roman est d'une belle et douce tristesse. J'ai cru lire ce que l'auteure ressentait elle-même sur la fin de sa vie, vie de femme, mais aussi bien sûr vie d'artiste-écrivain. Que deviennent mes oeuvres ? que deviennent mes souvenirs ? que deviennent mes "biens" ?, ma maison, mes livres, mes photos, etc...
Ce cinquième tome ne serait-il pas une forme de testament littéraire ?
En effet, autant elle nous a amené à observer une famille anglaise aux liens très forts, aussi bien humains, filiaux que professionnels (l'entreprise est transmise de père en fils, mais là ça coince et l'entreprise est perdue), autant elle nous a montré le mode de vie de cette bourgeoisie d'affaires enrichie aux temps des colonies, autant elle nous a décrit les conventions, les usages, les distinctions de classes, l'éducation inégale des filles et des garçons, la place des femmes,
autant ce dernier volume montre (ce qui corrobore mon ressenti) une société anglaise atomisée, individualisée, paupérisée, et des femmes qui revendiquent une place digne de ce qu'elles sont ou créent. D'ailleurs, le personnage de Diana, élément rapporté à la famille, est absolument antipathique. Pourquoi ? car c'est la seule, qui encore considère le mariage comme une prostitution.
Je veux dire par là que c'est la seule femme (dans le roman) a attendre de son époux qu'il l'entretienne, et c'est flagrant lorsque le niveau de vie de l'époux dégringole.
Du coup, mon regard a changé sur l'oeuvre.
Certes, je ne modifierai pas mes impressions du début de ma lecture, mais au fur et à mesure, j'ai vu et lu une finesse et une richesse très discrètes, trop peut-être, mais je conclus que c'est le propre de cette dame.
Et malgré moi, j'ai fait un lien avec
Elizabeth Taylor et
Barbara Pym. Ni dans le style, ni dans les histoires, mais, je dirais dans une posture.