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Critique de candlemas


Le Léviathan, ou Traité de la matière, de la forme et du pouvoir d'une république ecclésiastique et civile, reste d'une belle actualité en ce début de XXIème siècle, puisqu'il fonde traditionnellement le principe de contrainte légitime et donne son assise à l'Etat moderne.

Refuge laïc à réhabiliter, à l'heure où cet Etat semble en crise, face aux montées de la peur de l'autre et du repli identitaire, et face à un marché libéral capitaliste qui ne semble guère avoir beaucoup à envier à l'état initial de guerre de tous contre tous décrit par Hobbes ?

Monstre à combattre au contraire, si l'on songe comme Tocqueville aux dangers totalitaires que l'aliénation des libertés au profit d'un pouvoir promettant plus de sécurité fait courir aux hommes ?

Dans le Léviathan, un siècle avant la réflexion, plus optimiste, de JJ Rousseau sur le contrat social, Hobbes rompt radicalement avec Aristote : non, l'homme n'est pas, pour lui, un animal social : les hommes s'assemblent par crainte et par intérêt personnel.

Il développe ce faisant une approche anthropologique, réaliste et très moderne, face aux penseurs grecs ou chrétiens, comme base à sa réflexion politique. Décrivant l'homme comme un être doté du langage, il voit dans cette capacité l'origine de la capacité de conceptualisation des hommes, et aussi de la concurrence entre les hommes, poussés par leurs désirs. Il est proche à ce titre de Machiavel et Grotius. La justice, dans cette tradition, qui perdurera dans les siècles suivants comme alternative à la théorie du droit naturel, est une construction politique,

il rompt aussi avec la conception d'un pouvoir de droit divin, et pose le principe de souveraineté moderne : considérant l'état naturel initial des hommes comme un état de guerre de tous contre tous, il en conclut que ceux-ci, usant de leur liberté, mais conscients que cet état les place dans une insécurité permanente, décident de limiter volontairement celle-ci, de la placer entre les mains d'un tiers : le Léviathan.

Le Léviathan, possédant le privilège de la contrainte légitime, vient alors garantir le contrat entre les hommes, la sécurité de leur personne et de leurs biens. Ce principe sera l'un des fondements, dans nos "démocraties" modernes, du développement de l'Etat, en tant que personne morale transcendant les individus, de l'administration et de son droit exorbitant du droit commun. Ce monstre chimérique qu'est le Léviathan symbolise ainsi un pouvoir unique et tutélaire, compatible avec une monarchie autoritaire, mais il n'empêche que le contrat posé par Hobbes fonde, ab initio, l'Etat de droit sur la souveraineté du peuple.

Même si l'ouvrage de Hobbes, datant de 1651, est loin de prôner une démocratie égalitaire et participative, et même si Locke développe à la même époque une critique plus libérale, il est probable que Hobbes contribua et annonça le Bill of Rights britannique de 1689, et donc la première "constitution" moderne garantissant les libertés individuelles, et servit en tous cas de modèles aux critiques de la monarchie absolue et de l'arbitraire dans le siècle qui suivit.

Un ouvrage de philosophie politique incontournable. Même sans l'avoir lu in extenso, comme ce fut mon cas, il me semble qu'il continue de stimuler vigoureusement la réflexion citoyenne.
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