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Critique de karineln


« Comment fait-on avec un disparu ? le comment s'évapore-t-il en fumée ? »
Ni explication, ni mode emploi. Non aucun mode d'emploi, aucune notice pour délivrer à chaque membre d'une famille comment réagir face à la disparition et l'absence d'un des leurs. Ce roman se dévoile aussi sans notice : au compte goutte on nous raconte un peu de chacun, le père, la mère et les six enfants, on nous dilue du passé, du présent, quelques confidences soufflées du disparu…Et par petites touches subtiles, à l'allure simple - mais là encore comme en peinture quelques coups de pinceaux peuvent suffire à nous camper un décor, un trait de caractère, une ambiance- on accompagne chacun à cet ultime rendez-vous, ultime étape judiciaire pour la « reconnaissance d'absence » du frère disparu.
Reconnaître légalement l'absence…Non pas une naissance, non pas attester une présence, non ; reconnaître, prouver, légitimer l'absence, le vide béant de celui qu'on ne voit plus, peut-être présent ailleurs mais absent ici, dont on ne sait plus rien : une ombre.
Ce premier roman est fort car l'écriture est douce, tranquille, sans à coups, et languit de cette absence autour de laquelle d'autres vies se constituent, se meuvent, se débattent. Elle laisse deviner ça et là quelques pistes de sens, de raisons possibles si tant est qu'il en faille des raisons pour disparaître aux yeux des autres…Là n'est pas le propos du récit et ça n'a pas manqué pas à ma lecture. Ca n'est pas grave si on ne sait pas. Ce sont les pérégrinations de chacun, les vies maintenues avec ce voile, ce déchirement, ce quelque chose de soi kidnappé avec la disparition de l'autre. Tout le monde disparaît un peu à la perte de vue d'un être aimé.
Pas d'amertume, pas de colère, seule une tristesse sans vagues s'insinue dans les lignes et cette tristesse est belle car elle dit beaucoup de nos compositions avec la vie et ses mystères. Nous traînons tous des drames et des blessures dans nos quotidiens et nous les confondons comme nous pouvons à nos gestes les plus rituels, les plus bateaux, et les plus essentiels. Comment on tapisse, comment on repasse une couche de peinture sur un mur friable ou jauni pour ne pas avoir à penser l'impensable ? Comment on fuit devant l'inacceptable d'un rejet, d'une méchanceté familière ? Comment on se tait, on se ment pour ne pas faillir ? Comment on s'aime sans jamais se le dire parce que c'est muré depuis trop longtemps ? Comment on préserve un peu de son humanité en jardinant à défaut de … ?
Les émotions, tant elles sont lissées dans un récit brut et élégant, vous saisissent sans crier gare à la fin d'une phrase, ou plus tard, dans l'après-coup. L'absence s'incarne ici dans un être cher devenu invisible. Et cette absence obsédante, dès lor,s éclaire aussi les multiples dérivés et failles que son creux produit ou fait ressortir : les non-sens, pertes, espoirs, déceptions et manques autour desquels tous les personnages brodent leurs existences, autour desquels nous nous agitons tous.
Ce roman est une très belle promesse que l'on garde présent et précieusement aux tréfonds de soi.
« Elle ne sera là pour personne. Elle a pris sa décision : lire et ravaler ses larmes. »
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