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Critique de Fauvine


Dans ce récit, Romain Gary livre un épisode de sa vie en Amérique mais pour mieux raconter des événements historiques : le développement des mouvements noirs en Amérique, qui continuent de lutter après l'obtention des droits civiques et la mort de Martin Luther King : pour la reconnaissance des crimes perpétrés par les blancs envers les anciens esclaves noirs, le remboursement de leur dette envers eux, la fin de la pauvreté, contre les discriminations à l'embauche… Gary vit alors avec l'actrice Jean Seberg qui, de 20 ans sa cadette, a pris part depuis longtemps aux combats des américains noirs et les soutient financièrement. Gary aime Jean et soutient la même cause qu'elle mais explique qu'il n'a plus autant de hargne à lutter au côté d'un groupe, il sait que ça entraîne fatalement des désillusions et de la souffrance et il a fait sa part, en effet, il essaie de s'en préserver, même s'il ne peut s'empêcher au final d'y participer un peu.
Mais à distance, une distance railleuse, pertinente et lucide qui est souvent celle de cet auteur, et plus encore dans ce livre je crois, car il me paraît même également plus lucide sur lui-même que dans La Promesse de l'aube. Il ne s'y trompe pas, ces mouvements noirs qui fleurissent de partout abritent aussi des salauds, des salauds il y en a partout et de toutes les couleurs et il refuse de ne pas les voir sous prétexte que certains sont noirs et que leurs ancêtres ont souffert. Il raconte comment certains ont en effet été poussés au crime et à la haine à cause de siècles d'esclavages puis d'inégalités flagrantes. Mais il refuse l'extrémisme où qu'il soit, chez les blancs comme chez les noirs, dont beaucoup désormais méprisent Martin Luther King, jugé bien trop pacifiste par les mouvements visant à reprendre des droits par la violence. Cela dépend de chaque groupe, certains sont effectivement violents, d'autres ne le sont qu'en paroles, une façon d'exorciser le passé, et Gary le raconte très bien. Tout comme il raconte le mai 68 français qu'il voit de loin puis de près et ses contradictions. Un épisode est savoureux, dans lequel l'auteur s'amuse à tester la capacité des gens (autant les CRS que les mouvements étudiants) à cesser de juger sur les apparences et à voir au-delà, en s'habillant tour à tour comme un rebelle étudiant puis comme un bourgeois rétrograde au milieu de la cohue. Gary excelle aussi dans la provocation visant à recadrer des racistes et c'est vraiment très drôle d'imaginer leurs têtes !
Chien blanc, à présent, c'est le titre du livre et c'est également le chien adopté par Romain Gary. Un chien réel, autour duquel va s'articuler le récit, puisqu'il cherche à le faire rééduquer après s'être rendu compte que le chien avait été dressé à attaquer les noirs. Un chien aimé du couple et qui donne lieu à de belles pages trahissant la sensibilité de son auteur, et sa revendication d'avoir le droit de continuer à s'émouvoir pour les petites choses et des animaux, sans oublier pour autant les grandes affaires préoccupant les gens. Mais aussi un chien qui devient le symbole de la lutte contre le racisme mais aussi de la bêtise humaine universellement partagée. Je ne vous en dis pas plus (même si j'avais un peu deviné un élément de la fin) mais c'est un beau texte, respirant l'amour pour les bêtes comme pour les humains, ces derniers suscitant aussi souvent la colère.
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