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Critique de Tachan


Je me fais une petite semaine Fujita, après vous avoir parlé de Sou Bou Tei mardi, je reviens avec Crescent Moon, Dance with the Monster, autre série récente arrivant chez nous cette année, du côté de Ki-Oon et son Black Museum cette fois et c'est toujours aussi jouissif à lire !

Cette fois, c'est une série courte, terminée en 6 tomes au Japon et sortie entre 2022 et 2023, qui s'inscrit dans un véritable parcours artistique désiré par l'auteur : le Black Museum, ou des histoires répondant à une esthétique gothique qui jouent sur nos classiques européens pour revisiter de manière sombre, à la limite de l'horreur, bien des codes de notre société. Après Springald et Ghost & Lady, réciproquement en 1 et 2 tomes, c'est au tour de cette série. Pour ma part, je fais les choses à l'envers, commençant avec elle avant de remonter dans les jours à venir jusqu'aux sources du concept.

Le concept, pour ce que j'en ai compris, c'est l'imagination d'un lieu, le Black Museum : un musée niché au coeur de Scotland Yard où serait exposé toutes les pièces à conviction liées aux grandes affaires survenues en Angleterre. Et cette fois, c'est Lady Mary Wollstonecraft Shelley, l'autrice du célèbre Frankenstein qui vient le visiter pour mettre la main sur une singulière bottine rouge. Voilà le récit parti et le lecteur accroché aux jupons de cette conteuse pas comme les autres.

Cela a été très simple pour moi, j'ai de suite succombé au charme de Mary Shelley comme conteuse de cette histoire hors du commun, et ce même si elle a un côté très agaçant et braillard parfois. J'ai aimé la façon dont Fujita se sert d'elle pour nous cueillir et nous conter une histoire, savant mélange de bien d'autres qu'on connaît. Se mélangent ainsi pêle-mêle des références aux contes de Grimm, au chef d'oeuvre de Mary Shelley : Frankenstein, mais aussi aux écrits et pensées féministes de sa propre mère, ainsi que des pans de sa propre vie, le tout dans un cadre victorien dont on retrouve bien des codes. Amatrice de littérature anglaise de cette époque et de romance prenant place dans ce cadre historique, j'ai été aux anges.

Même si comme toujours, c'est fort bavard avec Fujita, je ne peux pas nier avoir trouvé l'histoire entraînante et prenante. J'ai trouvé original d'avoir une histoire dans l'histoire en mode « Père Castor », avec Mary qui se rend au musée et raconte à la conservatrice son histoire avec cette bottine. Cela s'agrémente d'une véritable introspection de celle-ci que j'ai trouvé vraiment poignante et bouleversante. J'ai adoré ce portrait de mère célibataire / veuve qui a eu un gros succès littéraire mais écrit désormais pour survivre et notamment payer les études de son fils, tandis que son beau-père, bien riche, les rejette à cause du scandale de son mariage. J'ai été touchée par l'histoire de sa vie, faite de morts, de morts et de morts, ce qui lui permet de faire le parallèle avec ses écrits et donne un autre regard sur ce fameux Frankenstein et sa créature. Sans parler de ses revendications féministes qu'elle tient de sa mère et que l'auteur exploite justement ici. C'est très bien fichu.

L'histoire mélange en plus la vie de Mary Shelley et l'histoire géopolitique de l'Angleterre. Fujita exploite les velléité impérialiste de la couronne pour imaginer un groupe de femmes souhaitant semer la mort après avoir fait de même en Russie. Des femmes fascinantes, que j'ai adorées voir en action tant j'ai, comme toujours, trouvé la mise en scène de l'auteur percutante. Elles avaient des allures de marionnettes de Karakuri. de là, il dévie vers une histoire entre politique, féminisme et fantastique-horrifique avec l'exploitation dans « la vraie vie » des écrits de Mary Shelley pour la pousser à prendre sous sa coupe une jeune femme ressuscitée à qui elle doit apprendre les bonnes manières pour devenir la garde du corps de la Reine Victoria contre ses semblables. Ouf ! Original.

Cependant, si j'adore le décor, l'exploitation de la personnalité et de la trajectoire de vie de Mary, les revendications féministes, la critique de la société de classes…, je suis moins emballée pour le moment par l'histoire elle-même et ce qu'elle pourrait être. Suivre la pupille de Mary dans son apprentissage de la vie, elle qui veut à tout prix travailler, et qui devient ainsi bonne chez une riche famille, ce n'est pas ce qui me botte le plus. Je n'ai pas une grande fascination pour ce type de récit où on « élève » quelqu'un qui ne connaît rien à la vie, surtout dans un tel cadre. le côté domestique me rappelle un Downton Abbey au rabais et les fulgurances sociétales manquent un peu trop de nuances pour réellement me convaincre. C'est un peu m'as-tu-vu et bourrin. Je suis plus attirée par le devenir de cette jeune femme dans ce que Mary en fera en vue du bal où elle doit assister et la manière dont cela va impacter sur Mary elle-même.

Pour résumer, je peux dire que j'ai l'idée du projet de Fujita qui exploite très bien qui est Mary Shelley en tant que femme et autrice, mais je suis moins séduite par sa propre histoire à lui. J'aime sa façon de réinventer le gothique pour le contraindre à son propre univers fantastico-horrifique, mais c'est parfois un peu bourrin et braillard. Ce premier tome est ainsi avant tout introductif et j'attends de voir la suite pour me prononcer réellement.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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