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Critique de DragonLyre


Des suites d'une séance de dressage de cheval qui tourne mal, l'esclave Kosum se retrouve nue, enchaînée à un rudabad, une tour où les morts pourrissent à ciel ouvert. Offerte en pâture au gel et à toutes les violences, elle sait qu'elle ne survivra pas aux trois nuits de sa sentence. C'est une sukaj, un peuple réputé mal-croyant dont les tâches cutanées reflètent leur péché originel. Souillures infligées par le dernier dieu encore en vie : la Première Flamme. Aux yeux de tous, la vie de Kosum vaut finalement encore moins que celle d'une tête de bétail. Et pourtant, un groupe de quatre cavaliers-flèches lui viennent en aide et font le nécessaire pour lui permettre de recouvrer la liberté. Dulkem, leur capitaine, la prend en croupe. Suivent Burgen et Urtaï, deux frères, l'un protecteur du second qui perd parfois la tête, rongé par les spectres d'anciennes guerres. Et Namgun, si discret, pour qui chaque séjour dans un village est pareil à une séance de torture.

Pendant ce temps, Araatan, le géant montagnard, s'apprête à piller les Plaines pour permettre à son peuple de passer l'hiver. Un peuple qui rêve d'atteindre la Toute Fin, lorsqu'ils auront étouffé la Première Flamme et débarrassé le monde de ses dieux et de ces prêtres qui empêchent les Hommes de vivre libres, d'égal à égal. C'est pour l'un des subordonnés du tyran que travaille la main de Dulkem. Kosum se retrouvera ainsi mêlée à un conflit qui la dépasse, elle qui a le mot et le geste pour se défendre, mais pas la trempe d'un guerrier sans peur et sans reproche.

Avec ce roman, je découvre la plume de Franck Ferric et quel talent ! le vocabulaire et le phrasé sont d'une richesse incroyable. le style est peaufiné tout en restant fluide, naturel. Les changements de points de vue viennent enrichir un univers déjà conséquent et les réponses viennent au compte-goutte pour notre plus grand plaisir. Cela fait tant de bien, une fantasy qui transporte et fait réfléchir à ce point ! À la place de la religion dans le monde et à travers les âges. Au racisme, à l'esclavagisme, à l'illusion des libertés individuelles. Aux grands génocides de l'Histoire. Aux douleurs du passé qui reviennent sans cesse hanter le présent, verrouillant par là-même le champ des possibles de l'avenir.

Un univers immersif, clair-obscur chaque fois que la naïveté de Kosum se heurte aux dures réalités. Chaque personnage présente ses propres failles autant que ses propres forces. Où que l'on regarde, rien n'est jamais tout blanc ou tout noir. L'espoir d'une vie meilleure, d'un monde plus juste, parsème les différents parcours et se révèle souvent trompeur. Ce monde dépeint par Franck Ferric est d'une noirceur certaine, de la lumineuse capitale d'Ishroun, berceau de la Première Flamme, au désert du reg où les coutumes sont tout autres mais la violence identique. Au rythme des sabots de leurs chevaux, Dulkem et ses hommes ont beaucoup à perdre quand bien même ils vivent de si peu. Ce récit n'épargne pas non plus le lecteur, qui souffre de voir le néant engloutir ce monde et ses habitants. La fin est déconcertante, pousse à la réflexion, et nous rappelle certains mots de cet étrange sorcier surgi de nulle part qui guide les pas du tyran tout en rechignant à révéler ses intentions.

J'ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture. Au delà des parallèles que l'on peut établir avec notre monde, c'est le talent de narrateur de Franck Ferric qui m'a très vite conquise. Son écriture recherchée qui change des styles épurés actuels. Sa capacité à dire les choses à demi mots plutôt qu'à nous les offrir sur un plateau. Une épopée unique où des géants chassent les dieux, où le passé vient réclamer vengeance de bien des façons et où les victoires ont souvent un goût amer.
Lien : https://dragonlyre.wordpress..
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