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Critique de deidamie


AVERTISSEMENT: ce qui va suivre n'est pas absolument pas élogieux. Si vous avez adoré ce bouquin, cette critique risque de ne pas être agréable du tout.

AVERTISSEMENT 2: JE SPOILE LE DEBUT. Si vous n'avez pas du tout lu le bouquin, passez votre chemin.

Bon, on y est? Ceux qui veulent partir ont bien cliqué sur la croix, ceux qui veulent rester sont là? On y va.

« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je viens vous parler d'un livre formidable…

-Pardon ?

- … un livre extraordinaire…

-Quoi ?!

-…. un livre magnifique…

-HEIN ?!

-Euh… un livre qui s'est beaucoup, beaucoup vendu ?

-J'aime mieux ça.

-Donc, je viens vous parler d'un livre qui s'est beaucoup, beaucoup vendu et qui s'appelle Mille femmes blanches.

-Ouais. *arme le fusil* Et on va avoir un ou deux trucs à dire.

Or donc, en 1874, le chef cheyenne Little Wolf passe un pacte avec Grant : mille femmes blanches seront troquées contre mille chevaux pour servir d'épouses aux Indiens. May Dodd se présente aussitôt comme candidate et part avec quelques autres femmes à la rencontre d'une culture étrangère et inconnue.

-Ah là là, quelle terrible exposition ! le début plante le décor et on ne peut qu'être rempli d'horreur en lisant le calvaire de May Dodd ! Enfermée par sa famille et longuement torturée dans cet asile pour avoir commis le seul crime d'aimer !

-Oui. Et ce n'est que le début d'une longue, très longue, trop longue liste d'incohérences et d'absurdités.

-Que veux-tu dire ?

-Enfermée après des années de vie commune ? Une famille aussi attachée à l'honneur ne l'aurait pas laissée un seul jour dehors. Regarde les Bennett dans Orgueil et Préjugés : quand leur fille disparaît, ils mettent tout en oeuvre pour la retrouver. Mais là, non : « Notre fille se barre avec un homme indigne d'elle, on va la laisser vivre sa vie avant de se rappeler qu'il faut la punir. » N'importe quoi.

-Soit… il faut quand même admettre qu'elle fait preuve d'un sacré courage pour sortir de cet asile sans être abattue par les barbaries subies !

-Pas du tout. Il faut ne pas exister pour ça. C'est le premier reproche que j'adresse à ce roman : May Dodd n'existe pas.

-Pourquoi ? Elle est quand même vachement convaincante !

-Non, je ne suis pas convaincue. Déjà parce qu'elle est parfaite, d'une perfection qui n'est pas de ce monde. Elle est belle, a le pouvoir sur sa sexualité, elle maîtrise Shakespeare, c'est la plus intelligente, la plus courageuse, la plus aimante, la plus maternelle, la plus sensuelle, la plus réfléchie… et elle possède un vagin en fonte.

-QUOI ??? Mais c'est écrit nulle part, ça !

-Non, mais je suis obligée de le déduire. L'eau bouillante qu'on lui injecte tous les jours dans le vagin, ça brûle, donc ça abîme les chairs pour commencer, et ça stérilise, donc ça tue les bactéries pour continuer. Or que se passe-t-il ? Pas un saignement, pas la plus petite mycose, son intimité fonctionne parfaitement.

Alors, de trois choses l'une : soit May Dodd n'existe pas, soit son vagin est en fonte, soit elle est l'ancêtre de Wolverine*. Tu peux me raconter des tas de conneries sur plein de sujets : comme je n'y connais rien, je vais me laisser arnaquer, mais sur ce chapitre, non. Je ne peux pas. J'ajoute qu'elle est également dotée d'un esprit supérieurement puissant pour ne pas être traumatisée par des années de sévices.

-Le voyage, il est quand même super intéressant…

-Aaaaaaah ! Pourquoi, mais pourquoi Gretchen parle en italique un mot sur deux ?! ça veut dire qu'elle a l'accent sur certains mots et pas sur d'autres ? C'est complètement débile, ce choix typographique ! Ca ne veut rien dire ! Et c'est absurde aussi d'italiser les prénoms indiens cités en cheyenne ! C'est des noms, il n'y a pas besoin de les pencher !

-En tout cas, la galerie de personnages se révèle impressionnante…

-Noooon ! Là encore, on tombe sans cesse sur des choses plus problématiques les unes que les autres ! Les jumelles épousent des jumeaux, Phémie épouse un Noir, May épouse le chef parce que c'est l'héroïne… tout tombe trop parfaitement bien pour être honnête. Et pourquoi faut-il que Phémie soit constamment nue ou presque ?

-Tu vois le mal partout, Déidamie ! Elle se rapproche de ses racines africaines !

-D'accord. Donc quand tu es une femme noire, fille d'une esclave arrachée à sa terre, tu te mets à oilpé pour te rapprocher de tes racines ? Et qu'est-ce qu'on en sait, d'abord, que les femmes vivaient seins nus dans sa tribu ? Perso, j'y vois surtout un bon prétexte pour exhiber une femme nue.

-Ce n'est pas vrai. Phémie vit une libération. Elle vit comme elle l'entend et a bien le droit d'enlever ses vêtements, personne ne décide à sa place !

-Moué. Je crois surtout qu'elle assure le côté fantasme du spectacle. Pourquoi les Blanches ne montrent pas leurs seins, elles aussi ? Parce qu'elles sont civilisées d'origine ? Elles ne sont pas « sauvages », comme elle, elles ne vivent pas dans l'état de nature ?

-Tu exagères !

-Je reconnais en tout cas que Phémie montre bien plus de lucidité que May.

-Et puis, le portrait des Cheyennes est très impressionnant !

-Oui. Hélas, on ne les connaîtra pas plus que ça. Je regrette que la tribu reste au rang de personnage secondaire, tout en me disant que ce n'est peut-être pas plus mal : le traitement se révèle, là encore, problématique.
J'aurais encore bien à dire, mais je vais arrêter là, le but n'est pas non plus de vous assommer de négativité.

Je me contente d'ajouter que je n'ai pas fait un beau voyage avec ce roman. Je n'ai pas aimé, parce que je n'y ai pas cru et que je n'ai pas éprouvé autre chose que de l'agacement avec l'héroïne. Je n'ai pas exploré la complexité de l'âme humaine : au contraire, elle s'est révélée d'une simplicité consternante. Je n'ai pas cru au personnage principal, elle n'a ni chair, ni profondeur, ni nuance. Pour moi, elle n'est rien d'autre qu'un fantasme vide. Les personnages secondaires ne me touchent pas beaucoup plus.

Pennac a fait dire à un de ses personnages : « L'imagination, ce n'est pas le mensonge. » Je me suis sentie flouée au cours de cette lecture, j'ai eu l'impression que l'auteur essayait de me faire croire à l'impossible, de me faire lire une vaste menterie simpliste et sans subtilité. Je laisse cependant une étoile pour la description du mode de vie des Cheyennes, assez plaisante, et pour la peur panique qu'éprouve May avant de les rejoindre : ce sentiment d'angoisse devant l'inconnu est rendu de façon poignante. »

*Héros célèbre pour son pouvoir d'autoguérison.
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