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Critique de Krissie78


À l'âge où on découvre son corps, où les adolescents fantasment sur le corps des femmes mûres, où l'insouciance devrait être le moteur de sa vie, Joe, tout juste 13 ans voit son monde éclater en morceaux de drame et de larmes, de silence et de non-dits, de peur et d'angoisse. L'agression, d'une rare violence, subie par sa mère, et ses conséquences sur la vie familiale, sonnent la fin de l'enfance et le vieillissement prématuré de son âme.

Il y a un peu plus d'un an je découvrais la plume de Louise Erdrich et en étais tellement tombée amoureuse que je ne voulais pas me replonger trop vite dans son oeuvre de peur d'être déçue. J'ai retrouvé dans cette deuxième incursion dans son univers tout ce que j'avais aimé : ses formidables qualités de conteuse, sa manière de nous plonger dans l'intimité d'une communauté, sa force à faire naitre des personnages admirablement dessinés, qu'il s'agisse des personnages principaux comme les secondaires, sa capacité à suscité une émotion sincère.

Autour de Joe il y a famille : son père et sa mère, fracassés par le drame et qui vont faire preuve d'un amour familial immense. Il y a ses amis Cappy, Angus et Zack, les inséparables, ceux avec qui on partage les bons coups, les galères, les premiers émois amoureux, les bêtises d'adolescents. Il y a la famille au sens large, les oncles, tantes, cousins, cousines, tous ceux liés par le sang et par les traditions. Et il y a une communauté, celle des indiens Ojibwés, dans une réserve du Dakota du Nord, soudée, qui maintient ses croyances et ses traditions tout en intégrant certains aspects du mode de vie de l'Amérique des années 1980, et qui fait vivre au quotidien ses valeurs dont la solidarité, l'esprit de famille et de clan, le respect des autres, de l'environnement et du droit.

À travers l'histoire de Joe, de sa mère Géraldine et de son père, Louise Erdrich nous parle du viol qui touche une amérindienne sur trois au cours de sa vie (statistique certainement sous-estimée), la plupart du temps oeuvre d'un non amérindien. Elle nous parle de la complexité du millefeuille de loi qui s'applique au sein des réserves indienne, pour ne pas dire de l'injustice flagrante qui en découle. Si le propos est éminemment politique l'auteure n'en fait ni un manifeste féministe, ni un texte militant, grâce à ses qualités évoquées ci-dessus. Comme elle le souligne dans la postface, ces règles énoncées dans ce récit situé en 1988, étaient toujours en vigueur en 2012 lorsque le livre est publié aux États-Unis.

En faisant porter le récit par la voix d'un adolescent de 13 ans elle met d'autant plus l'accent sur l'incompréhension que l'on peut ressentir face à cette justice à deux vitesses. Joe n'aura de cesse d'essayer de comprendre tout en réussissant à sauvegarder des moments de pur plaisir avec ses 3 amis, mènera son enquête, parallèlement à celle des adultes (dont son père, juge du tribunal tribal), fera tout pour que sa mère redevienne celle qu'elle était avant l'agression, et comprendra que rien ne pourra totalement redevenir comme avant.

Une lecture très réjouissante, par la qualité du propos et par la délicatesse, la poésie, la force de l'écriture de Louise Erdrich.
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