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Critique de 5Arabella


Le roman, présenté comme écrit en 1878 par son éditeur français, n'a jamais été publié du vivant de l'auteur, mort en 1900. J'ai même rencontré la mention dans une étude, qu'il n'aurait pas été achevé. La question de savoir si l'auteur le considérait comme terminé et s'il souhait sa publication se pose donc.

Nous suivons sur environ 500 pages les destinées d'Artur, jeune homme issu d'une petite classe moyenne, fils unique. La mort de ses parents l'oblige à interrompre des études de droit, dans lesquelles il ne réussissait pas vraiment, passionné de littérature, il se consacrait davantage à des tentatives d'écriture, de journalisme. Sans oublier des tentatives de refaire le monde avec ses amis. Se retrouvant sans moyens d'existence, il doit se réfugier en province, chez des tantes aux moyens modestes. Il finit par occuper un poste de préparateur dans une pharmacie, il s'ennuie beaucoup et se désespère, lorsqu'un héritage inattendu lui permet enfin de partir pour Lisbonne, la capitale, où il rêve une éclatante réussite littéraire, une grande histoire d'amour, une brillante vie dans la bonne société et un rôle politique. Mais son voyage sera une suite de désillusions. Il n'arrive pas à s'introduire dans la bonne société, son livre de poèmes publié à compte d'auteur n'intéresse personne, aucun théâtre ne veut jouer sa pièce. Ses amours seront pathétiques, et il sera expulsé d'un cercle de républicains après une bévue. Il ne fera que manger son héritage, fortement aidé par des relations qui lui promettent de l'aider dans ses projets mais qui ne font que profiter de ses largesses sans tenir leurs engagements. Il n'aura d'autre choix que de revenir auprès de la seule tante qui lui reste et de retravailler dans la pharmacie abhorrée.

Le roman, comme souvent chez Eça de Quieros, oscille entre le réalisme, très précis, avec des pages très naturalistes, et quelque chose de satirique, voire de comique, qui met d'une certaine façon en cause ce réalisme, le fait un peu dérailler par moments. le roman est d'autant plus savoureux que le personnage d'Artur a un parcours qui ressemble en partie à celui de l'auteur : études à Coïmbra, mêmes goûts littéraires, l'écriture, sympathies républicaines etc. Simplement, chez Artur, tout cela reste au stade de velléités, il rêve les choses sans vraiment les faire, et se laisse porter par le courant qui finit par le faire échouer. En même temps que le portrait de son personnage, Eça de Quieros dresse un tableau satirique de Lisbonne, des salons, des milieux de journalistes, d'un peu plus loin des milieux littéraires, des cercles républicains. Rien n'échappe à un constat de médiocrité et d'auto-satisfaction. Il avait plusieurs fois, en particulier dans une chronique intitulée Lisboa, dénoncé un climat délétère dans la société portugaise, qui provoque selon lui l'indolence et un manque d'énergie. Et c'est exactement le profil de son personnage dans ce roman : Artur imagine la gloire, la réussite, le bonheur, mais ne fait rien de concret pour y arriver (il n'écrit même pas après ses tentatives de jeunesse), se montre maladroit, se laisse abuser, change d'avis à tout instant. Très vite, il entre dans une sorte de routine, dans une ville où de toutes les façons il semble difficile d'arriver à quoi que ce soit, tant les gens y semblent bornés et peu capables de quelque chose qui sorte d'un quotidien banal et mesquin. Un anti-héros impuissant dans une société elle-même impuissante.

Un excellent roman d'un grand auteur trop méconnu en dehors de son pays.
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