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Critique de cprevost


Tous les vendredis, en bas de l'avant dernière page du « Monde des livres », ne manquez pas les « Figures libres » de Roger-Pol Droit. L'éclectisme de ses courtes critiques, j'en suis sûr, vous ravira et ne manquera pas de vous ouvrir de nouveaux horizons. Cette incontestable curiosité affleure dans son dernier ouvrage titré « Si je n'avais plus qu'une heure à vivre ». L'auteur écrit : « chacun ayant intégré que la vie n'est pas recherche de vérité, laquelle n'existe pas ou nous demeure à jamais inaccessible, choisira de se promener d'une doctrine à l'autre, interminablement, comme on visite des contrées lointaines, goûte des recettes exotiques, plonge dans des eaux nouvelles ». Voilà qui sied magnifiquement à un journaliste mais incontestablement moins, à mon sens, à un authentique penseur.


Tous les vendredis donc, ne manquez pas les « Figures libres » de Roger-Pol Droit mais passez-vous de son dernier pensum (si du moins vous souhaitez conserver votre estime au critique). Visiter des contrées lointaines, goûter des recettes exotiques ne peut, je crois, dispenser de vivre quelque part, d'inventer et de défendre sa propre cuisine (surtout si on se revendique maître queux). Ce petit opuscule montre toutes les limites d'une philosophie du sensible qui tente de s'incarner dans des situations, dans des choses à faire, des sensations personnelles à découvrir. L'expérience terrible, « si je n'avais plus qu'une heure à vivre », confirme, s'il le fallait, toute l'inanité d'une telle démarche philosophique. Roger-Pol droit, disposant d'un présent et d'un passé mais privé d'avenir, décide d'écrire ce qui lui parait essentiel, de formuler ce qu'il a compris, pas compris de l'existence, de l'amour, du bonheur, du rapport aux autres, du politique (rien que cela) … en moins de cent pages d'une prose aérée et en gros caractères. Un relativisme de tous les instants, une dialectique sommaire, un trivial mode de vie de bourgeois ordinaire ne peuvent pas faire office de philosophie. Ce qui se dégage dans ce petit livre, c'est le prima de la sensiblerie sur l'intelligence et de l'égoïsme, de l'inutile impudeur (au deux sens d'immodestie et trivialité) sur la générosité et l'engagement («Si je n'avais plus qu'une heure à vivre, je hurlerais, comme ce résistant avant que les balles nazies l'atteignent : "Vive les seins des femmes !" (Sic)».


Si Roger-Pol Droit atteint son lectorat malgré la vacuité de son propos, nous devons cependant bien admettre qu'il n'est pas parvenu à une telle réussite malgré ses déficiences mais grâce à elles. C'est l'insignifiance de l'homme cultivé qui nous séduit et qui nous flatte. Couardise, égoïsme, impudeur… toutes ses dérives travaillent une partie de nos sociétés ; elles ne représentent pas la totalité de la vie sociale mais sa face noire, elles manifestent son état d'imbécillité et d'angoisse. Au fond, nous devrions être reconnaissant à cette sorte d'intellectuels qui possèdent la parole et qui la vendent, ils flattent et incarnent ce qu'il y a de pire autour de nous, en nous, mais ils nous obligent aussi à regarder la réalité en face.


Mis par lui-même en demeure de griffonner son épitaphe «qu'il voudrait digne de ses hauts faits, capable de dire la vie d'un homme qui sut frayer sa voie au milieu des hasards, jouer de son intuition, transformer les aléas en doctrine et les pépins en semence», il ne lui déplairait pas que soit inscrite cette épitaphe : «Il savait choisir les melons.» … ne doutons pas que l'opportunisme de l'auteur et sa haute connaissance des cucurbitacées lui ont permis de faire son chemin.
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