AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Terry75


Je ne sais pas ce qui m'aura le plus plu … le récit du roman ou celui de sa rédaction?

Un livre écrit à la hâte, par un Fiodor Dostoïevski acculé par son éditeur, dont le contrat l'oblige à lui fournir sous un mois un roman… si ce roman n'est pas livré, l'auteur sera aliéné pour dix ans à l'éditeur, sans aucune perspective financière.

Le Joueur est donc un enfant non désiré. Ou plutôt, vaguement envisagé, encore à l'état de projet, mais du genre de projet auquel on voudrait consacrer beaucoup, beaucoup de temps pour ne point le rater. Et pourtant, son contrat d'édition l'y forçant, Dostoïevski rédige le Joueur en 27 jours, aidé par une sténographe (et future femme) - technique à laquelle il peine d'ailleurs à se roder. À la date butoir, le Joueur est remis à la maison d'édition, et ce malgré des rebondissements romanesques (son éditeur fait tout pour que Dostoievski ne puisse pas lui remettre le manuscrit à temps, pour faire valoir la clause aliénante de leur contrat).

À la lecture du Joueur, et ayant ces faits en tête, on comprend que Dostoïevski est passé à côté d'un possible chef d'oeuvre. Bien des thèmes y sont furtivement abordés, bien des perspectives de personnalités, d'intrigues entre personnages, sont esquissées… sans pour autant être approfondies. Que pouvait-il faire de mieux, en un mois et 200 pages!

L'oeuvre est évidemment bâclée pour ce qu'on attendrait d'un Dostoïevski … mais c'est au regard de toute autre oeuvre de tout autre auteur, un sacrément bon livre!Car ce qui m'a frappée, c'est le niveau de l'écrivain. En lisant le roman je me suis dit « C'est donc ça, un livre de fond de tiroir de Dostoïevski! ». Trente jours pour écrire ça! C'est à l'immense qualité de leurs moins bons livres que l'on reconnaît les grands écrivains.

S'agissant des thèmes abordés, ils sont nombreux et toujours survolés. L'expérience personnelle de l'auteur est omniprésente : son addiction au jeu, la relation avec Pauline qui est calquée sur la relation malsaine qu'entretient Dostoïevski avec une jeune étudiante avec laquelle il parcourt l'Europe, et d'autres encore.

Le rapport complexe entre la Russie et l'Occident est légèrement esquissé dans le Joueur, trop légèrement malheureusement, et ça fait partie des manques que j'ai eus - ou plutôt devrais-je dire des « regrets », car cela me pousse à imaginer ce que l'oeuvre aurait été, si elle n'avait pas été écrite dans la hâte. Nous, français, nous y prenons pour notre grade… bien qu'il me semble présenter surtout l'archétype du français fortuné, noble ou grand bourgeois, héritier des traditions de cour.

Pour conclure, mon impression, en gros, c'est d'avoir lu une oeuvre prématurée, une oeuvre personnelle, peu secondarisée par manque de temps, qui aurait pu devenir un des chefs d'oeuvre de l'auteur dans d'autres conditions.
Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}