AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Fleitour



"Gilles avait six ans, j'en avais dix. D'habitude, les frères et soeurs, ça se dispute, ça se jalouse, ça crie, ça chouine, ça s'étripe. Nous pas. Gilles, je l'aimais d'une tendresse de mère, page 17".

Tout indique en ce début de roman que les événements se dérouleront de la façon la plus heureuse, le lien affectif entre Gilles et sa soeur semble inaltérable. Il est difficile d'imaginer ce qu'il y a derrière une clôture d'un pavillon de banlieue. Délicat de s'immiscer dans la vie quotidienne d'une famille, et de nourrir des inquiétudes pour la maman.

Adeline Dieudonné, plus précisément la narratrice évitant de relooker le cocon familial à la façon d'un Lionnel Duroy, a décidé de tout balancer. le topo est court, : http/balancetonvieux/balanctaboniche/balancetescadavres/balancelereste/.
la famille heureuse est renvoyée à sa réalité quotidienne, une réalité si décalée qu'on a du mal à se dire, est-ce çà la Vraie Vie ?

Adeline Dieudonné, la romancière, avec une habileté de sorcière, distille les incidents, les rancoeurs, et les coups de griffes, pour mieux voir le décor se fissurer et bientôt sombrer peu à peu dans un malaise qui annonce le début de la Vraie Vie, celle qu' Adeline Dieudonné, va habiter, un brouillon que l'on froisse sans amertume.

Un incident visionné de très près par les enfants, en live, laissera des traces sur la peau et dans le coeur de Gilles, "il était pas beau à voir, avec un siphon rentré dedans, comme une voiture dans la façade d'une maison. Un vrai siphon avec de la chantilly". "Le coeur d'Adeline a perdu des battements, sans doute que ça a du s'entendre jusqu'au fond du bois de Petits Pendus.

Le père lui n'aimait que ses cadavres ! Une farandole de têtes d'animaux empaillés, dont une défense d'éléphant, s'alignait dans la pièces aux souvenirs. L'amibe elle ne s'occupait que de ses chèvres aux nom épicés, dont la petite muscade au centre des attentions d'Adeline. Elle voulait l'appeler Curie comme Marie Curie, en hommage à cette femme qui pouvait la sauver du naufrage. L'amibe sa mère écrivit curry sur la petite plaque du collier.

Les yeux de Gilles s'étaient éteints, le père entre deux safaris, se détendait en battant sa femme et reprenait des couleurs, et c'est là qu'il a eu l'idée d'apprendre à son fils le maniement des armes. le bateau familial tel un Titanic avançait dans la houle sans son pilote. Une idée géniale l'a enfin éclaboussé. Façon à lui de remettre la gamine dans le droit chemin et la pousser à abandonner son rêve de devenir la prochaine Marie Curie.

Sa fille fut désignée pour jouer le rôle du gibier, la nuit en pleine forêt, magnanime, le père la fit partir 5 minutes avant les chiens, Gilles et ses deux copains.
La mère se réveillait, page 209, "des plaques tectoniques avaient tressailli au fond d'elle-même. Dans son paysage lunaire intérieur, quelque chose s'était entrouvert".

La prose d'Adeline Dieudonné, est saisissante, elle enchaîne les propos et les répliques à la façon d'un boxeur, cette Mohamed Ali de l'écriture, esquive, relance, décoche, à la manière dont les séances dramatiques lessivent sa mère. Les mots suivent ce sautillement, si bien connu, et paf l'uppercut fait mouche. Les dialogues nous laissent parfois à bout de souffle, les mots répliquent, dansent, comme s'il y avait en elle cette chose qui grandissait et qui la transformait en prédatrice.

Le style est d'une très grande élégance. magnifique maitrise de l'intrigue et du style.
Commenter  J’apprécie          414



Ont apprécié cette critique (40)voir plus




{* *}