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Critique de bina


Camus crée un personnage de papier, Meursault, dans l'Etranger, Kamel Daoud lui donne vie, ainsi qu'à ses actes, et à la victime, comme si l'histoire était réelle. Camus n'est jamais cité, le postulat de départ est le roman de Meursault, écrit par lui-même après son crime.

De son acte criminel, en tuant un arabe sans nom entre midi et quatorze heure sur une plage sous un soleil de plomb, à l'Algérie d'aujourd'hui analysée par Haroun, un vieil arabe marginal, en passant par la condamnation à mort de Meursault pour avoir mal enterré sa mère, le personnage de Daoud mène l'enquête et nous donne une vision de cette histoire qui est le contre-pied de la version de Camus.

Car se contenter de Camus, c'est oublié que l'Arabe avait un nom, un frère cadet, et une mère qui ne s'est jamais remise.
Le frère cadet, c'est Haroun, le narrateur, qui confie son histoire à un auditeur anonyme dans un bar, potentiel écrivain intéressé par sa version des faits.

Ce personnage est le prétexte pour analyser la société contemporaine et analyser la montée de la religion: les remarques sur les bars, de plus en plus nombreux à fermer, sur le métier du vin, devenu haram (illicite), sur la récitation du Coran, sur l'embrigadement à la mosquée le vendredi et sur l'arabité en sont quelques exemples.

Mais à aucun moment vous n'aurez droit à un pamphlet ou à un discours révolutionnaire. Non, c'est beaucoup plus subtil, finement amené, servi sur un plateau aux lecteur au fil du récit d'Haroun, ce vieil algérien si lucide dans sa marginalité.

Quand on sait que ce qui a motivé la fatwa qui vient de tomber sur Kamel Daoud a pour motifs ''hérésie, mise en doute du Coran, atteinte à la langue arabe", tous les ingrédients sont dans ce livre.
Mais ce qui est condamné est plutôt sous la plume de l'auteur un appel à la modernité, à la liberté et à l'ouverture d'esprit, contre l'obscurantisme de tous les -ismes.

Et maintenant, vous n'avez plus qu'à relire l'Etranger, sous cet éclairage nouveau, et à vous amuser à retrouver les passages de l'original auxquels Daoud fait de nombreux clins d'oeil. L'occasion de relire un classique souvent lu au lycée!
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