AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Northanger


« Malgré l'histoire tragique d'Haïti (ou peut-être à cause d'elle), nous avons toujours été fiers de nos origines. La première république noire au monde. La seconde république du Nouveau Monde, après les Etats-Unis. le premier pays créé à la suite d'une révolution d'esclaves, en 1804, et mis à l'index pendant des décennies pour éviter de donner de mauvaises idées à d'autres. »

Edwidge Danticat, née en Haïti en 1969 et auteur de romans, d'essais, de nouvelles, récompensée par le National Book Critics Circle Award pour Adieu mon frère a constitué une anthologie de nouvelles haïtiennes contemporaines, écrites pour certaines en français, pour la plupart en anglais.

Ce recueil nous propose un parcours aussi poignant que dépaysant, souvent dérangeant à travers l'île. Chaque nouvelle se déroule dans une ville précise d'Haïti, indiquée sur la page de titre, comme faisant partie intégrante de l'identité et de la tonalité du récit. Des expressions en créole accréditent encore la sensation de dépaysement et l'effet de réel
Les nouvelles sont réparties en trois catégories Magie noire, Eaux troubles et Noir sur blanc.
Les récits regroupés sous le nom « Magie noire » font bien sûr la part belle aux sciences occultes. J'ai apprécié le doigt, cette histoire de vengeance post-mortem sur fond de vaudou qui n'est pas sans rappeler La main De Maupassant, tout en étant plus solidement ancrée dans une réalité assez sombre de drogue et de banditisme. L'Auberge du paradis raconte la mise à pied du commissaire Vanel, dans une auberge fantasmagorique.

« Eaux troubles » constitue sans doute la partie la plus sombre du recueil, dressant un tableau fort glauque de la vie sur l'île : enlèvement de jeunes héritières à Port-au-Prince comme dans Rosanna, où l'avidité le dispute à la barbarie, lutte perdue d'avance contre des expériences médicales déguisées en meurtres rituels dans Carrefours dangereux, fragilité de la vie dans un pays menacé par les séismes dans le Harem, où Robby tente de réunir ses trois conquêtes par-delà la mort.

« Noir sur blanc » est l'univers des compromis, un entre-deux où parfois, l'amour et la compassion peuvent l'emporter, lueurs d'espoir dans un monde de violence. Dans Qui est cet homme ?, c'est la générosité d'Orélus et la reconnaissance inattendue de son ravisseur qui vont lui permettre d'échapper au pire ; dans La Merci au portail, l'histoire d'amour de Haba et Colin finit par vaincre les obstacles.

En résumé, un recueil qui n'est pas vraiment une invitation au voyage mais qui a le mérite de nous faire ouvrir les yeux sur un pays en souffrance. J'ai donc beaucoup apprécié cette lecture qui nous prouve que par le biais de la fiction, on peut en apprendre beaucoup sur les dures réalités quotidiennes d'un pays. Les nouvelles qui m'ont le plus émue sont sans doute Odette, qui relate un tremblement de terre p. 21 « La ville qu'on lui faisait traverser à présent était comme Hiroshima, et l'ampleur de la destruction lui rappelait les films de guerre que son mari aimait tant regarder. » ; p. 24 « A la place, elle leva les yeux au ciel, qui n'avait jamais autant brillé et regorgé d'étoiles. Elle chercha sa bonne étoile, mais en vain. Elle l'avait abandonnée en tombant des cieux il y avait bien longtemps. », Rosanna, que j'ai évoquée plus haut, ainsi que Laquelle des deux ? qui montre jusqu'à quelle extrémité peut pousser l'amour d'une mère.

Un petit plus en fin de volume, une playlist disponible sur internet pour prolonger sa lecture en musique.

Merci à Babélio et aux éditions Asphalte pour cette découverte riche en émotions.
Commenter  J’apprécie          160



Ont apprécié cette critique (14)voir plus




{* *}