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Critique de HordeDuContrevent


Le périple d'un crâne…De la prise de conscience au réalisme magique…

« Les morts ont des droits. Ils ont le droit d'être couchés dans leur dernière demeure et de reposer en pays, dans leur propre pays, de façon à pouvoir entrer dans le monde des esprits et devenir un avec leur mère, la Terre ».

John est un australien, un homme blanc dans la quarantaine, qui décide après quelques petits boulots de retourner à l'Université et de prendre un cursus de littérature indigène, c'est-à-dire aborigène dans le cas de l'Australie. Une littérature qui évoque les aborigènes avant l'invasion européenne de l'Australie.
Au cours d'une journée de cours, en classe, lors d'un échange entre les étudiants et le professeur, John lâche une véritable bombe. Sur un ton léger et presque légèrement fier, il explique que sa famille, ses parents plus exactement, ont un crâne d'aborigène depuis des décennies qui décore les étagères de la bibliothèque. La famille l'a surnommé Mary, même si l'étude du crâne par un ami de la famille a pu mettre en valeur qu'il s'agissait du crâne d'un homme mort de syphilis. Cette confession choque tout le monde au point de lui faire prendre conscience de l'horreur morale de la situation, au point de le questionner et de lui faire éprouver honte et culpabilité.
Il décide ainsi de restituer Mary à son peuple, les wamba wamba dont l'animal totem est le cacatoès. Cette restitution sera source de multiples échanges avec les descendants des aborigènes, source d'un cheminement intérieur, d'un véritable apprentissage, de réflexions et d'un voyage. Il rencontrera la culture originelle de son pays qu'il a toujours côtoyée de très loin, avec une forme d'indifférence, plongé depuis l'enfance, sans en prendre conscience, dans un bain de préjugés et de clichés. Petit à petit, il décide de comprendre Mary, son histoire, sa façon de vivre et découvre ainsi toute la complexité de sa culture.

« Sur le plan émotionnel aussi, ce puzzle à la fois surprend et déconcerte la compréhension du monde occidental : l'une de ses pièces peut être lourde de désespoir mais retournez-là et il y a là assez de rire et de joie pour soulever le ciel ».

J'ai appris un certain nombre de choses dans ce livre qui lève le voile sur les atrocités commises par les européens, décimant ainsi tout un peuple. Finalement cette histoire est universelle, c'est celle de tous les peuples envahis, tués, décimés. J'ai pris conscience de la problématique des dépouilles de toutes ces personnes exterminées, dont les squelettes sont éparpillés entre des collectionneurs, des antiquaires, des musées, dormant au fond de cartons et de sacs en plastique dans des caves et des cachots du monde entier. John est tout en humilité dans cette découverte, il reconnait son ignorance, se remet constamment en question, il en est d'ailleurs touchant et attendrissant.
Mais j'ai trouvé qu'il y avait un véritable déséquilibre entre la première partie du récit, passionnante, dans laquelle décision est prise de restituer le crâne et la restitution proprement dite ; et la seconde partie du récit, bien moins subtile, où nous voyons ce qui se passe ensuite, entre la déprime de John qui sent qu'il a toujours eu un lien particulier avec ce crâne et le réalisme magique que l'auteur développe pour faire sentir à quel point ça y est, grâce à son acte, il peut sentir le coeur battant et sans âge de la terre, comme les aborigènes, voyant au-delà du vernis déposé par les européens. Cette façon de « voir à travers l'illusion, de ressentir les choses telles qu'elles sont réellement », cette façon de devenir celui qui communique avec un cacatoès noir, n'est pas convaincante, voire est assez surfaite. Sans doute la fin est-elle trop pétrie de bons sentiments.
De même voir le père de John passer d'un homme bougon, réactionnaire, borné, raciste, à un quasi militant ouvert et généreux n'est guère plausible. Cela manque de subtilité, le manichéisme et les bons sentiments de cette fin m'ont laissé tout au bord du récit et m'ont même par moment agacée.

Au final nous avons là un récit bien écrit, un livre très riche sur la culture aborigène – et rien que pour cela il vaut le détour - mais dont la fin, pétrie de bons sentiments et très manichéenne, manque de subtilité à mon goût. Pourtant, j'aurais voulu aimer totalement ce livre autant que j'aime sa couverture que je trouve vraiment très belle. Il m'est d'avis que ce livre plairait beaucoup à un public adolescent ou jeune adulte. Car c'est somme toute une belle histoire, riche d'enseignements.

« C'est moi qui devrais faire des excuses à ces gens pour tout ce que je leur ai pris, et c'est eux qui me remercient en disant qu'ils me sont redevables ».



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