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Critique de Cyrlight


La tempête des échos fait rage dans ce quatrième et dernier tome de la Passe-miroir. Ophélie et Thorn se sont enfin retrouvés, envers et contre tout, et se préparent à affronter l'Autre ensemble, afin de mettre un terme à l'effondrement des arches. Viendront-ils à bout des épreuves qu'il leur reste à traverser ?

Je ne nourrissais aucune attente pour ce final, puisque je n'ai jamais porté la saga dans mon coeur, malgré quoi, à la vue des critiques assez négatives des fans de la première heure, je me suis laissé gagner par le doute. Et si, à l'encontre de l'opinion générale, ce dénouement parvenait à me convaincre ? Après tout, est-ce que je ne compte pas parmi les rares personnes à préférer le décrié Prometheus aux quatre films Alien ?

Eh bien, j'ai le plaisir de vous annoncer que… Non, j'ai détesté. Ce roman, c'est un gloubi-boulga indigeste de théories nébuleuses, d'explications alambiquées et de conclusions abracadabrantes. L'auteur a voulu se lancer dans une sorte de… de quoi, au juste ? de métaphysique pseudo-philosophique ? qui m'a désagréablement rappelé Les univers multiples de Stephen Baxter.

J'ai dû ponctuer ma lecture de pauses fréquentes, à cause des migraines que je sentais poindre régulièrement, jusqu'à ce que je renonce à essayer de comprendre quoi que ce soit. D'ailleurs, y avait-il vraiment quelque chose de compréhensible là-dedans ?

Les révélations qui me donnaient l'impression de tomber du ciel dans le volume précédent sont remplacées par la science infuse d'Ophélie. Elle émet des déductions passablement justes sans que l'on sache ni trop comment ni trop pourquoi, si bien que j'en suis arrivée à soupçonner Christelle Dabos d'avoir des difficultés à doser / réfréner ce qu'elle-même sait (c'est-à-dire tout), par rapport aux clés dont son héroïne dispose pour tenter d'y voir clair.

En outre, j'ai depuis le début le sentiment qu'elle fait un peu ce qu'elle veut (dans le mauvais sens du terme) avec les « codes » de son univers, qu'elle n'hésite pas à les adapter en fonction de ce qui sert au mieux le contexte / l'intrigue. Mentionnerai-je, à tout hasard, que cette chère Ophélie perd (encore) son pouvoir de passe-miroir ? Oui, à ce stade, on n'est plus sur du rebondissement, c'est carrément devenu un running-gag.

Et tant qu'à aller jusqu'au bout de l'ironie, il s'agit du mot de la fin. Un bel écho (ah ah !) au titre de la saga ? Ç'aurait pu… si je n'avais pas passé la tétralogie à déplorer la sous-exploitation de cette faculté. M'enfin, je le concède, il faut parfois faire des choix. Ce serait triiiiiste que l'oeuvre s'enlise dans une densité telle qu'on aurait dû mal à s'y retrouver.

Comme par exemple avec les reflets, l'Endroit, l'Envers, les inversés, les ados qui n'en sont pas, les contreparties (tiens, je n'y avais pas prêté attention, mais ça a un côté très The Promised Neverland, tout ça… Ceci expliquant peut-être cela quant à mon désamour complet)…, et surtout, surtout cette fameuse corne d'abondance.

On ne sait pas d'où elle sort, on ne sait pas non plus comment elle est apparue, on ne sait pas… Eh bien, c'est simple, on ne sait rien, si ce n'est un peu son fonctionnement. Dans les grandes lignes. Des lignes très floues. Je crois qu'on pourrait même parler de pointillés, à ce niveau. Entraperçus de très loin. Sans lunettes, évidemment. (Non, ne comptez pas sur moi pour m'attarder sur lesdites lunettes, Christelle Dabos le fait plus qu'assez. Quand je pense que je trouvais que Thorn était grand, dans Les fiancés de l'hiver…)

Et attendez, ce n'est pas terminé. Parce qu'il y a aussi les sous-intrigues des personnages secondaires. J'écrivais dans ma dernière chronique que j'appréciais les apartés centrés sur Victoire, sauf qu'il s'avère qu'ils ne servent strictement à rien. Tout comme les déboires d'Archibald et cie, mais aussi de Dieu, pour localiser Arc-en-Terre. On pourrait supprimer chacun de ces passages que ça n'aurait aucun impact sur le reste de l'histoire. Et que dire de Janus ? L'Esprit de famille le plus important, le seul à avoir conservé sa mémoire, le seul qui ose tenir tête à Dieu… Tout ça pour ça ?

Sans parler des morts mais en fait non, et des morts qui le sont bel et bien. Ça tombe comme des mouches, et l'expression ne saurait être mieux appropriée, puisque ça inspire sensiblement autant d'émotion qu'un insecte qu'on aurait écrasé avec une tapette, soit une profonde indifférence. Les disparus (pour de bon ou non) occupent une place trop négligeable pour que leur sort présente un quelconque intérêt, ce qui est sans doute également l'avis de l'auteur, puisqu'elle les noie en deux temps trois mouvements dans le capharnaüm de son récit.

Restent Thorn et Ophélie… L'évolution de leur relation aurait presque pu me plaire, mais elle est, à mon sens, partie en quenouille à la fin du tome 3. Sérieusement… Thorn, c'est le gars qui doit fournir d'énormes efforts rien que pour réussir à avoir un geste tendre, et dont le vocabulaire ne comporte aucun mot gentil, or le voilà qui balance son flacon de désinfectant pour se mettre à batifoler dans les hautes herbes comme un pokémon sauvage ? Bah oui, tiens, ça colle teeellement à sa personnalité !

Vous l'aurez compris, tant au niveau du scénario que des protagonistes, on a dépassé le TGCM et le TGCDieu pour atteindre le stade ultime du TGCécommeçaépicétou. Mais bon, ce n'est pas grave, ça aurait pu être pire. Au moins, la boucle est bouclée, et…

Ti hi, vous l'avez cru ? Non, ce serait trop beau ! On a droit à une bonne grosse fin ouverte, et autant, d'ordinaire, c'est ce que je préfère, autant là, employer l'adjectif « ouvert » relève de l'euphémisme. On dirait plutôt que Christelle Dabosnous a glissé un joli sac de noeuds entre les bras, avec un aimable sourire et un « Allez, je vous ai tout expliqué (loooooool), maintenant débrouillez-vous avec ça pour vous imaginer une suite à votre convenance. »

Le problème de la Passe-miroir, et de cet ultime tome en particulier, réside selon moi dans le manque d'expérience de l'auteur. Elle a voulu s'attaquer à une histoire démesurément complexe, sans avoir le bagage d'écrivain nécessaire pour y parvenir. Et si je me permets de tenir ces propos, c'est tout simplement parce que j'ai reconnu, à travers sa plume, certaines de mes propres erreurs de romancière, dont je n'ai pris conscience et me suis efforcée de corriger qu'avec le temps et beaucoup de pratique.

Elle a une imagination débordante, c'est indéniable, et c'est une qualité à mettre à son crédit, malheureusement ce n'est pas suffisant pour créer une bonne histoire, ni même pour se démarquer, puisque je pourrais citer d'autres univers tout aussi inventifs, si ce n'est davantage, que le sien (les deux premiers qui me viennent à l'esprit étant La Carte des Mille Mondes et Au pays de l'Ailleurs).

Et au fond, peut-être est-ce là aussi que réside, paradoxalement, sa plus grande faiblesse. Elle a voulu nous entraîner dans un monde si difficile à appréhender qu'il semblerait qu'elle ait elle-même fini par s'y perdre.

Tant mieux si cette saga a pu trouver son public et séduire des centaines, des milliers de lecteurs (malgré les divergences d'opinion sur sa conclusion). Pour ma part, ça a toujours été un échec, donc c'est soulagée, et non déçue, que je referme enfin La Passe-miroir.

Un peu plus que cela, même.
Lien : https://leslecturesdecyrligh..
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