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Critique de myrtigal


Maryse Condé nous a quittés il y a deux semaines. Je ne la connaissais que de nom, sans l'avoir jamais lue encore. Et c'est seulement à l'annonce de sa disparition que je me suis rendue compte que j'avais dans ma bibliothèque l'un de ses livres. Il m'avait été offert il y a quelques temps déjà et s'était malheureusement un peu perdu dans ma pal et dans ma mémoire.
Je le retrouve donc en cette triste occasion, où tous les hommages et éloges entendus m'ont donné envie de sortir ce livre de ma pile à lire et de découvrir enfin cette grande écrivaine.
Et c'est une oeuvre vraiment particulière que ce roman.
Je connaissais assez vaguement, comme beaucoup je pense, la ville de Salem et ses célèbres procès de sorcières au XVIIe siècle. Ce que j'ignorais en revanche c'est que parmi elle figurait une esclave noire venue de la Barbade et prénommé Tituba. Là aussi, nous sommes beaucoup à ne pas la connaitre, car qui se souviendrait du sort d'une esclave, femme et noire qui plus est ? Et c'est justement cet affront, cet oubli, cette injustice qu'a voulu réparer Maryse Condé. Sous la forme d'un roman, d'une biographie romancée donc — bien qu'appuyée sur les rares documents et traces restant d'elle —, l'autrice redonne à Tituba toute la vie et la substance qu'elle mérite à l'égal de tout autre personnage historique. Quoi de mieux qu'un roman pour faire revivre et réintroduire dans l'inconscient collectif une femme disparue depuis plus de trois siècles et dont on sait si peu de choses ? Mieux encore, Maryse Condé lui donne ici la parole, libre et entière de nous faire elle-même le récit de sa vie. Alors on va l'écouter, la découvrir et voyager avec elle.
Et quelle vie va-t-telle avoir !
Une vie de servitude bien-sûr, mais pas que, une vie marquée par bien d'autres choses que l'asservissement. L'amour et les rencontres seront les deux principaux éléments marquants qui vont jalonner sa vie. Ballotée de maître en maître, de maison en maison, de ville en ville, elle croisera le chemin d'un nombre incalculable de personnes. Souvent mauvaises mais quelque fois bonnes, et ce qui frappe surtout dans la personnalité de Tituba c'est son grand coeur et sa grande naïveté. Malgré les horreurs qu'elle vit et qu'elle voit, elle continue chaque fois d'avoir spontanément foi en l'autre au premier abord, à faire confiance, comme si elle ne pouvait s'en empêcher. Et c'est d'ailleurs toujours pour aider les autres qu'elle utilisera ses talents de guérisseuse, ces talents qui lui vaudront partout le qualificatifs de sorcière. Toujours aider l'autre au détriment de ses propres interêt, un trait de caractère noble mais qui lui causera bien des tourments et bien des déceptions. Et parmi eux il y a les hommes. Tituba aime les hommes, aime l'amour charnel, aime aimer, parfois bien malgré elle, mais toujours intensément. Elle en connaîtra beaucoup, des hommes, aussi différents les uns que les autres, et qui chacun lui apporteront ou lui enlèveront quelque chose.
Tituba nous raconte son histoire elle-même donc, maison ne sait pas combien de temps après elle le fait. Quelques années ? Décennies ? Siècles ? Car je n'ai pas pu m'empêcher de sentir quelques anachronismes ici et là, dans l'usage de certains termes dans certains dialogues, et aussi au travers du grand recul qu'à Tituba sur son histoire. J'ai peut-être l'oeil un peu trop tatillon car qu'importe, ce qui compte ici c'est Tituba.
L'écrivaine fait renaitre sous sa plume simple, directe, acérée, cette sombre période de l'histoire, celle de l'esclavage et de la traite négrière, mais à échelle humaine.
Stigmatisée comme sorcière et comme esclave, connu que pour cela, Maryse Condé nous offre à découvrir une Tituba complexe, comme tout être humain finalement, humaine, avide de liberté et d'amour, forte et flamboyante, même dans la misère.
Pour cette oeuvre, merci Madame Maryse Condé !
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