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Critique de Ingannmic


En une succession de courts paragraphes s'enchaînant parfois sans réelle logique -"Jésus et Tito" est d'ailleurs sous-titré "roman inventaire"-, Velibor Čolić évoque son enfance dans la Yougoslavie d'avant la guerre fratricide qui mènera à son éclatement.

Il vit alors dans une petite ville des Balkans paumée entre deux montagnes, où personne ne passe jamais, hormis, une fois l'an, les membres pitoyables d'un cirque miteux que même les enfants ne parviennent pas à trouver attrayant. Son père y est juge, et en fervent communiste, il a bien pris soin d'orner le mur de leur salon d'un portrait du maréchal Tito. Sa mère continue d'entretenir discrètement sa foi catholique, à l'aide d'images pieuses qu'elle dissimule sous ses vêtements. Pour elle ils sont croates, pour son père ils sont yougoslaves... mais ces dissensions ne sont pas vraiment source de conflit au sein du foyer des Čolić. Elles sont le reflet de la diversité culturelle et ethnique que leur communauté rurale et pragmatique accepte sans se poser de questions. Musulmans, catholiques et orthodoxes, albanais, tziganes, croates et serbes vivent ensemble en bonne intelligence, la doctrine communiste et le culte au Maréchal Tito étant équitablement inculqués aux écoliers...

Au fil d'anecdotes évoquant son quotidien d'élève, de frère ou de camarade, nous le découvrons, membre de la bande menée par Vlado le sauvage, s'adonnant à des jeux parfois cruels, dont les animaux ou Oskar, garçon juif et malingre désigné comme souffre-douleur, sont les victimes. Tiraillé entre son rêve de devenir joueur de foot noir -si possible Jairzinho- et son amour de la poésie, il bascule de fait vers cette deuxième option lorsqu'une croissance trop rapide le métamorphose en une grande tige dégingandée et maladroite... Les épisodes adolescents expriment les premiers émois suscités par la beauté des filles, l'apprentissage naïf et pudique de la sexualité, les premières ivresses. Bientôt, l'adhésion inconditionnelle au dogme communiste est mise à mal par l'influence tout aussi conformiste d'une culture anglo-saxonne en technicolor, avec son rock, ses grosses bagnoles et ses femmes fatales, à laquelle se soumettent, avec les moyens du bord, les jeunes yougoslaves. Il faut dire que le rationnement fait passer les trous dans les jeans pour une hérésie, et que les (fausses) converses locales font pâle figure à côté des baskets made in US...

De l'enfance au début de l'âge adulte, avec l'accomplissement du service militaire, "Jésus et Tito" forme, avec ses brefs épisodes, comme une mosaïque qui, en plus de nous plonger dans l'univers ambivalent de l'enfance, fait d'ingénuité comme de brutalité, d'enthousiasmes et de questionnements, témoigne des étapes de la maturation intellectuelle et émotionnelle du narrateur. L'humour faussement ingénu dont Velibor Čolić colore son récit, confère aux événements et aux personnages une dimension souvent cocasse. Entre candeur et ironie, il porte sur ce monde dont il est issu un regard à la fois tendre et lucide.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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