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Critique de Yaena


A peine la lecture commencée on reconnaît la plume de Philippe Claudel, poétique et ciselée, parfois incisive, toujours pleine de caractère. Il ne faut pas longtemps dans ces conditions pour s'immerger dans ce petit village au nom inconnu et déambuler dans ses rues en jetant un oeil perplexe sur les habitants. Évidemment, nous ne sommes nul part et partout à la fois. Cette histoire a quelque chose d'universelle. Claudel nous raconte l'Humanité et pour nous servir de guide il a choisi Brodeck. Ne cherchez pas son prénom il n'en a pas, ça n'a d'ailleurs aucune importance. Au début j'avoue que le choix de ce personnage m'a déstabilisé. Brodeck me semblait un peu fluet, un peu faiblard pour une telle tâche. Manquerait-il de charisme, d'envergure ?
C'est là que l'on voit le talent de Claudel, ne vous y trompez pas, Brodeck est l'homme de la situation mais lui même ne le sait pas encore. Parce que Claudel nous révèle son personnage au fil des pages et le fait évoluer avec beaucoup de subtilité et de finesse. le personnage nous devient familier de même que son passé, il prend de l'épaisseur, de la profondeur. Une évolution toute naturelle.

Brodeck est un anti-héros mais il est loin d'être dénué de qualités. Si sa fierté n'est pas sortie indemne de cette période de sa vie, il a su garder son humanité et ses valeurs, ce qui au sortir de la guerre est un luxe. Un luxe que peu d'habitants possèdent dans ce petit village. Mais comment leur en vouloir ? La peur transforme les hommes et révèlent leur nature. Ici comme ailleurs, en tant de guerre rien n'est tout blanc ou tout noir. Et en tant de paix, qu'en est-il ?
Brodeck ne s'était probablement jamais posé la question il aurait même sûrement préféré ne pas savoir mais puisqu'on le contraint à faire un rapport sur « les évènements »il va le faire. Il va même en faire deux ? Après tout n'y a t'il pas toujours deux versions pour une même histoire : l'officielle et l'officieuse ? Celle des vainqueurs et celle des vaincus ? A bien y réfléchir il y a de très nombreuses versions pour une même histoire. Mais tout ce qu'on veut de Brodeck c'est la version officielle, la politiquement correcte. Mais Brodeck ne peut se résoudre à faire ce qu'on lui demande, alors il fera aussi un autre rapport mais ce sera une véritable plongée dans l'âme humaine et personne ne sera épargné, pas même lui : couardise, mensonges, lâcheté, instinct de survie, cruauté, humilité, pardon, résilience… et puis aussi le fin mot de l'histoire. Parce que finalement tout ceci n'est qu'une histoire … une histoire qui interpelle, une histoire qui interroge, une histoire qui trotte dans nos esprits… mais juste une histoire.
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